23 avril 2024

Filtres, pellicule, développement : retour sur une obsession visuelle inspirée par "The Ring"

Le film d'horreur "The Ring", sorti en 2002, a marqué les esprits non seulement par son scénario angoissant, mais aussi par son esthétique visuelle singulière. Les tons verdâtres et l'atmosphère éthérée qui imprègnent le film lui confèrent une identité unique, qui a influencé de nombreux cinéastes par la suite. 

Mais au-delà de l'admiration suscitée, c'est une véritable fascination qui s'est emparée de certains passionnés de cinéma, désireux de percer les secrets de fabrication de cette esthétique si particulière.

C'est le cas de l'auteur de la vidéo qui nous intéresse ici, véritable détective de l'image lancé dans une quête obsessionnelle pour élucider les mystères techniques derrière le look de "The Ring". Une enquête digne d'un film noir, avec ses fausses pistes, ses révélations et ses rebondissements, mais aussi ses expérimentations pratiques pour tenter de reproduire, avec les moyens du bord, les caractéristiques visuelles du film.

À travers le récit de cette aventure, c'est un véritable plongeon dans les arcanes de la direction photo et de la colorimétrie qui nous est proposé. Une exploration passionnante des possibilités offertes par les filtres, les pellicules et les techniques de développement, mais aussi une réflexion sur l'importance des choix artistiques en amont, de l'ingéniosité technique et de la prise de risques dans le processus créatif. Une source d'inspiration pour tous les amoureux d'image et de cinéma.


Ceux d'entre vous qui ne comprennent pas l'anglais peuvent activer les sous-titres de la vidéo, et dans les paramètres choisir la traduction en français.


03 avril 2024

Les sources LED à l'épreuve des tests de la CST: des résultats qui invitent à la vigilance

Avec les progrès fulgurants de ces dernières années, on pourrait croire que les sources à LED ont atteint leur pleine maturité et sont désormais capables de rivaliser sans compromis avec les traditionnels éclairages tungstène et HMI.

Mais qu’en est-il vraiment ? La Commission Supérieure Technique (CST) a voulu en avoir le cœur net en menant une série de tests rigoureux, avec le concours de nombreux partenaires de l’industrie.


Au cœur du protocole, la volonté de comparer objectivement le rendu des différentes sources, en s’appuyant sur des critères scientifiques précis. Parmi eux, le SSI (Spectral Similarity Index), qui mesure la similarité entre le spectre d’une source et celui d’une référence, comme le tungstène. Car contrairement à l’IRC (Indice de Rendu des Couleurs), longtemps utilisé mais de moins en moins pertinent pour les LED, le SSI permet de détecter les écarts dans toutes les longueurs d’onde du spectre visible.

Les résultats sont pour le moins surprenants. Si certaines sources LED obtiennent d’excellents scores à 3200K, elles peinent à convaincre à 5600K lorsqu’il s’agit de simuler la lumière du jour.

Plus préoccupant encore, on observe des variations significatives entre différents modèles d’un même fabricant. Même constat avec le test Esmeralda, qui permet d’évaluer le métamérisme, c’est-à-dire la capacité d’une source à restituer fidèlement les couleurs d’un objet par rapport à une référence. Là encore, les LED ne sont pas toutes à la fête.

Le métamérisme est un phénomène optique où un même objet semble avoir des couleurs différentes lorsqu'il est éclairé par des sources lumineuses ayant des compositions spectrales différentes.

Il démontre que la couleur n'est pas une propriété intrinsèque des objets mais résulte d'une interaction complexe entre la lumière incidente, les propriétés de réflexion de la surface et la sensibilité spectrale du récepteur (œil ou caméra).

Le même poivron jaune, sous deux sources différentes.
Le même poivron jaune, sous deux sources différentes.

Ces écarts, aussi subtils soient-ils à l’œil nu, ont des conséquences bien réelles à l’étalonnage. Car s’il est techniquement possible de corriger les défauts de rendu en post-production, cela se traduit souvent par un travail bien plus long et plus complexe, avec son lot de compromis artistiques.

Philippe Ros, qui a dirigé ces tests, relevait en outre que les caméras utilisées, à savoir la Sony Venice 2, l’Alexa 35 et la Red Raptor, figurent parmi les modèles les plus avancés du marché. Leur grande latitude d’exposition et leur capteur à large gamut leur permettent d’enregistrer un maximum d’informations colorimétriques, offrant ainsi une marge de manœuvre appréciable à l’étalonnage pour corriger les écarts de rendu des sources LED.

Mais qu’en serait-il avec des caméras plus abordables, comme celles utilisées sur bon nombre de tournages ? Il est fort probable que leurs capteurs, moins performants, seraient plus prompts à révéler les défauts colorimétriques, sans offrir autant de possibilités de rattrapage en post-production.

Bien sûr, ces résultats ne remettent pas en cause le potentiel immense des LED. Cette technologie offre depuis quelques années une palette d’effets inédits et une souplesse appréciable sur les plateaux. Mais ils appellent à une certaine vigilance. Pour les chefs opérateurs, le choix d’une source doit plus que jamais s’appuyer sur une connaissance fine de ses caractéristiques et des écueils potentiels.

D’où l’importance de tests comme ceux menés par la CST, dont je vous invite à découvrir le compte-rendu vidéo complet. Au-delà des chiffres, on y trouvera de précieux partages d’expérience et des pistes pour améliorer les workflows. Car si les LED ont encore des défis à relever, c’est bien en unissant les compétences et en confrontant les points de vue que nous pourrons les aider à donner leur pleine mesure.

Alors, faut-il se méfier des LED ? Sans doute pas. Mais il serait imprudent de leur faire une confiance aveugle.

La CST va d’ailleurs bientôt publier la banque de données complète de ce comparatif, ce qui permettra des choix plus… éclairés.

A l’issue de ces tests, un constat s’impose : la révolution LED ne fait que commencer.



Ces tests ont été menés par:

Philippe Ros – Directeur de la photographie, AFC et co-président du comité technique d’IMAGO (ITC)

Patrick Duroux – Directeur de la photographie, AFC

Françoise Noyon – Directrice de la photographie

Thierry Beaumel – Consultant en postproduction

Jean Coudsi – Étalonneur

François Roger – Directeur de Cininter

Éric Chérioux – Directeur technique de la CST