28 février 2011

Oscar 2011 Meilleure Photo: Inception

WINNER: Wally Pfister (Inception)
Matthew Libatique (Black Swan)
Danny Cohen (The King's Speech)
Jeff Cronenweth (The Social Network)
Roger Deakins (True Grit)

Un choix bizarre, mais sans doute une consolation pour un film qui n'a reçu aucune récompense majeure.
Content aussi que l'imposture "Black Swan" ait pris fin, et qu'un petit film anglais remette les têtes à l'endroit.

25 février 2011

La parole en images: "Le Discours d'un Roi"



L'un des aspects les plus attachants de ce film ce sont ses images, signées Danny Cohen. Ce chef op anglais - que j'avais découvert sur quelques épisodes de la minisérie "John Adams" - fait beaucoup parler de lui depuis qu'il est nommé pour l'Oscar de la meilleure photo pour "Le discours d'un roi".  Un outsider beaucoup plus intéressant qu'il n'y paraît à première vue. En tout cas un vrai artisan.

A première vue en effet, si quelque chose saute aux yeux dans ce film, ce sont ses cadrages audacieux (ultra grands angles et décentrements "autistes") plutôt que sa lumière. Danny avait déjà recouru aux très courtes focales dans John Adams, et c'était parfaitement réussi. Pas évident de placer un acteur à 30 ou 60 centimètres d'un très grand angle.

"There always was a degree of trust on set, and we never wanted to shoot them in an unflattering way. It came down to fitting the right lens with the right actor so that we could put the audience right in front of their face. The whole film is about language and not being able to speak, and Tom wanted that intimacy, to pull the audience into the story. It's as if you can feel Colin's breath on your face."

"What's great about Master Primes is they have an insane range of lenses, from 10, 14, 16, 18, 21, 25, 27, 33—a huge spread, which gives you a good choice. What's peculiar is that even though the jump in the lens size is 3 millimeters, just by having that degree of choice, it can change the complete angle of view and how the face films."


Ces courtes focales ont également servi dans les plans généraux d'extérieurs:



Mais une vision plus attentive du film permet de détecter des finesses d'éclairage qui donnent une vraie personnalité aux images.


Cet antichambre obscur donne la gamme chromatique du décor complet: jaune pâle et vert. Notez que ni le visage ni le sol ne semblent fortement affectés par les vitres vertes. Cette touche verte - il fallait oser - empêche ces images de sombrer dans la banalité, ou le réalisme stérile.


Lorsque la porte s'ouvre, les raccords chromatiques sont déjà en place: verrière verte et luminaires jaune pâle. Les grands angles en mouvement ajoutent une certaine étrangeté aux images. On pense parfois à du Welles ("Le Procès").




Traitement de faveur pour le personnage féminin: même décor, mais la caméra passe en focale moyenne.


Ces verrières vertes sont décidément étranges, et révèlent que le maître des lieux est sans doute un original. Ce qui se vérifie rapidement. Une couleur qu'on retrouvera plus tard dans le film, lors de la longue séquence dans l'abbaye de Westminster.
Ce cadrage très frontal peut faire penser à du théâtre filmé. Mais les séquences qui se passent dans ce décor sont tellement bien découpées qu'on en oublie cet aspect.


Ces plans généraux qui respirent révèlent un système d'éclairage inhabituel.

"All the lights were outside of the room, and I kind of liked shooting that way, particularly because it also gave the actors a sense of added freedom. We weren't pinning them down amongst a forest of lights; it was just really the camera and the operators with them in the room."



Contrairement à ses dires, sur les gros plans féminins, Danny a visiblement ajouté des lumières autour de la caméra. Le key light haut placé ne peut pas provenir de la fenêtre. De plus il est diffusé, et adouci par un fill qui ajoute une petite touche de vie dans les yeux.



Mais ce qu'on retiendra surtout du film, ce sont les décadrages, qui laissent des vides étranges autour des personnages, et contribuent à entretenir cette atmosphère décalée.




L'équipe image au grand complet. Bonne chance à eux pour les Oscars!


Interview tirée de Studio Daily online.

22 février 2011

La question du reflet du wind-up

La voiture et le ballon éclairant. Un plan (sans reflet de wind-up) du "Revolver" de Guy Ritchie (2005)



Pendant une prise, ça commence souvent comme une petite agitation autour du combo. Dès le "coupez", c'est l'effervescence: "On voit le reflet du wind-up!" Tous les regards se tournent vers le Chef op ou le Gaffer. Qui se dirigent vers le moniteur pour voir la prise. Une jolie prise: l'actrice était parfaite et le mouvement de caméra très juste. 
Dans son coin, l'ingé son annonce à qui veut bien l'écouter que cette prise était de loin la meilleure. Mais autour du combo, personne ne l'écoute. A la fin du plan, juste avant que la comédienne ne quitte le champ, on voit... 
Quelqu'un appuie sur "pause".
- Là!
- Quoi?
- Cette ligne verticale grise.
- ...
La scripte est péremptoire:
- C'est le reflet du wind-up* dans l'armoire.
- Oui et alors? C'est une ligne parallèle à la porte de l'armoire, ça pourrait être n'importe quoi dans la pièce.
- En l'occurrence, c'est le wind-up. Faut le bouger.

Le réalisateur, décontenancé par toute cette agitation, se range à l'avis de la scripte. Le premier assistant me demande alors, inquiet, "Combien de temps?"

La question que j'aborde dans ce post est plutôt: "Faut-il VRAIMENT bouger ce wind-up?"
Faut-il impérativement éliminer tous les reflets, ombres et brillances (du matériel ou de l'équipe) qui apparaissent à l'image, au risque de perdre du temps, de rater un moment magique, de compliquer l'install', ou de déconcentrer les acteurs?

Jusqu'à récemment, ma réponse était toujours "oui". Sans même réfléchir. Même si ça impliquait cinq minutes de modifs pour préserver, envers et contre tout, le climat de la séquence.

Comme je cherche la simplicité, chacune des sources que j'installe est cruciale. Sa puissance, son emplacement, son pointage, ses accessoires, tout est réfléchi en fonction des contraintes et du rendu final.
Lorsque mon équipe place une source, je fais bien évidemment un check de tous les reflets et ombres portées qu'elle implique, en fonction du cadre. Si je choisis d'assumer un reflet, c'est que je juge qu'il ne sera perceptible que par des gens de cinéma.
Quel spectateur pointe les lunettes de soleil de DiCaprio en s'écriant: "Reflet de Chimera!"?

Au cinéma, je ne suis pas du genre à relever avec un sourire moqueur les faux raccords et le matériel qui traîne dans le champ. Je laisse ça aux spécialistes en Goofs qui listent tout ça avec une ténacité effrayante dans les fiches de l'IMDB. 

Mais mon oeil détecte - c'est plus fort que moi - les ombres, marques, reflets et traces qui révèlent l'équipe et le matériel mobilisés pendant un plan. Et le record en matière de traces visibles, ceux qui semblent se ficher comme d'une guigne du reflet de Chimera, ce ne sont ni les Français, ni les Belges ou les Sud-Coréens. Ce sont les Nord-Américains. Dans les films à budgets pharaoniques. Des films qui se tournent sur 4 mois ou plus, avec des équipes de centaines de personnes hyper-spécialisées, attentives aux moindres détails. Des films où l'on s'imagine que le reflet d'un wind-up sur une armoire serait jugé comme une faute grave, passible de la Cour Martiale.

Dans "Transformers - Revenge of the Fallen", un film budgeté à 200 mio de dollars, les ombres caméra sont légion. Et pendant une conversation téléphonique entre Sam et sa copine, on voit clairement un grand projecteur Fresnel sur son pied dans la chambre de Sam.
Ne me dites pas que personne ne l'a vu sur les 4 ou 5 moniteurs de contrôle du plateau. S'est-il trouvé quelqu'un pour pointer le moniteur, faire une remarque et stopper le tournage? Bien évidemment, non. Pourquoi? Parce que chez les pros, chacun assume ses responsabilités.

Et vous, aviez-vous détecté ce gros Fresnel dans la chambre de Sam? Il y a de fortes chances que non.
Je vous l'accorde, "Transformers 2" n'est pas un chef-d'oeuvre mais ça n'est pas le sujet. C'est un film qui a réuni sur son plateau plus de 500 des meilleurs techniciens de Hollywood.

Alors, au risque de passer pour un chef op psycho-rigide et non professionnel, la prochaine fois qu'on me demandera de virer un reflet que je juge acceptable, je réfléchirai avant de lancer des instructions. Et je répondrai sans doute, le plus calmement possible, "Non".

Et vous, quelle est votre opinion sur le sujet?

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Pour synthétiser: c'est clair que ça pose la question du perfectionnisme, qui est un défaut pour certains (la Prod, le Premier) et une qualité pour d'autres (la Réa). Il faut trouver un équilibre, et c'est justement en laissant tomber les détails que le spectateur ne verra pas.

* Un wind-up est un trépied métallique massif, qui se déploie à l'aide d'une manivelle. Une fois chargé et déployé, il est difficile à déplacer.
Je comprend le regard inquiet du Premier Assistant.


21 février 2011

Deakins, pour le plaisir



Cette année, l'Oscar sera pour lui. Passage intéressant dès 6:00.
Pour ceux qui lisent cet article sur FB, voici le lien vers le film: http://youtu.be/5hzlDmlE0wA

Le trailer ci-dessous est mieux étalonné que la bande-annonce d'Apple. Pour mieux savourer les images, coupez le son.

17 février 2011

CRLS (Cine Reflect Lighting System) en action



Le système de réflecteurs popularisé par le chef op autrichien Christian Berger (pressenti pour l'Oscar 2010 avec Le Ruban Blanc) est ici pour la première fois exposé sous toutes les coutures.
Le film est froidement démonstratif et peu engageant, mais je pense que ça vous intéressera de démystifier ce système dont beaucoup de gens vantent les mérites sans l'avoir testé.
On en voit les avantages, mais on devine aussi ses inconvénients.

08 février 2011

Cesars 2011 - nominations

Puisque j'ai mentionné les Oscars, voici les nominations au Cesar de la meilleure photo.
Perso je vote pour Edelman, mais je n'ai pas vu le Tavernier.

Christophe Beaucarne, AFC, SBC, pour Tournée de Mathieu Amalric
Caroline Champetier, AFC, pour Des hommes et des dieux de Xavier Beauvois
Pawel Edelman pour The Ghost Writer de Roman Polanski
Bruno de Keyzer, BSC, pour La Princesse de Montpensier de Bertrand Tavernier
Guillaume Schiffman, AFC, pour Gainsbourg (vie héroïque) de Joann Sfar

Résultat le 25 février.