Avec les progrès fulgurants de ces dernières années, on pourrait croire que les sources à LED ont atteint leur pleine maturité et sont désormais capables de rivaliser sans compromis avec les traditionnels éclairages tungstène et HMI.
Mais qu’en est-il vraiment ? La Commission Supérieure Technique (CST) a voulu en avoir le cœur net en menant une série de tests rigoureux, avec le concours de nombreux partenaires de l’industrie.
Au cœur du protocole, la volonté de comparer objectivement le rendu des différentes sources, en s’appuyant sur des critères scientifiques précis. Parmi eux, le SSI (Spectral Similarity Index), qui mesure la similarité entre le spectre d’une source et celui d’une référence, comme le tungstène. Car contrairement à l’IRC (Indice de Rendu des Couleurs), longtemps utilisé mais de moins en moins pertinent pour les LED, le SSI permet de détecter les écarts dans toutes les longueurs d’onde du spectre visible.
Les résultats sont pour le moins surprenants. Si certaines sources LED obtiennent d’excellents scores à 3200K, elles peinent à convaincre à 5600K lorsqu’il s’agit de simuler la lumière du jour.
Plus préoccupant encore, on observe des variations significatives entre différents modèles d’un même fabricant. Même constat avec le test Esmeralda, qui permet d’évaluer le métamérisme, c’est-à-dire la capacité d’une source à restituer fidèlement les couleurs d’un objet par rapport à une référence. Là encore, les LED ne sont pas toutes à la fête.
Le métamérisme est un phénomène optique où un même objet semble avoir des couleurs différentes lorsqu'il est éclairé par des sources lumineuses ayant des compositions spectrales différentes.
Il démontre que la couleur n'est pas une propriété intrinsèque des objets mais résulte d'une interaction complexe entre la lumière incidente, les propriétés de réflexion de la surface et la sensibilité spectrale du récepteur (œil ou caméra).
Ces écarts, aussi subtils soient-ils à l’œil nu, ont des conséquences bien réelles à l’étalonnage. Car s’il est techniquement possible de corriger les défauts de rendu en post-production, cela se traduit souvent par un travail bien plus long et plus complexe, avec son lot de compromis artistiques.
Philippe Ros, qui a dirigé ces tests, relevait en outre que les caméras utilisées, à savoir la Sony Venice 2, l’Alexa 35 et la Red Raptor, figurent parmi les modèles les plus avancés du marché. Leur grande latitude d’exposition et leur capteur à large gamut leur permettent d’enregistrer un maximum d’informations colorimétriques, offrant ainsi une marge de manœuvre appréciable à l’étalonnage pour corriger les écarts de rendu des sources LED.
Mais qu’en serait-il avec des caméras plus abordables, comme celles utilisées sur bon nombre de tournages ? Il est fort probable que leurs capteurs, moins performants, seraient plus prompts à révéler les défauts colorimétriques, sans offrir autant de possibilités de rattrapage en post-production.
Bien sûr, ces résultats ne remettent pas en cause le potentiel immense des LED. Cette technologie offre depuis quelques années une palette d’effets inédits et une souplesse appréciable sur les plateaux. Mais ils appellent à une certaine vigilance. Pour les chefs opérateurs, le choix d’une source doit plus que jamais s’appuyer sur une connaissance fine de ses caractéristiques et des écueils potentiels.
D’où l’importance de tests comme ceux menés par la CST, dont je vous invite à découvrir le compte-rendu vidéo complet. Au-delà des chiffres, on y trouvera de précieux partages d’expérience et des pistes pour améliorer les workflows. Car si les LED ont encore des défis à relever, c’est bien en unissant les compétences et en confrontant les points de vue que nous pourrons les aider à donner leur pleine mesure.
Alors, faut-il se méfier des LED ? Sans doute pas. Mais il serait imprudent de leur faire une confiance aveugle.
La CST va d’ailleurs bientôt publier la banque de données complète de ce comparatif, ce qui permettra des choix plus… éclairés.
A l’issue de ces tests, un constat s’impose : la révolution LED ne fait que commencer.
Ces tests ont été menés par:
Philippe Ros – Directeur de la photographie, AFC et co-président du comité technique d’IMAGO (ITC)
Patrick Duroux – Directeur de la photographie, AFC
Françoise Noyon – Directrice de la photographie
Thierry Beaumel – Consultant en postproduction
Jean Coudsi – Étalonneur
François Roger – Directeur de Cininter
Éric Chérioux – Directeur technique de la CST
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