16 avril 2010

Lester et Edmond: bilan

Les premières publiques de Lester et Edmond sont maintenant derrière nous. Les deux projections ont attiré plusieurs centaines de personnes, ce qui est étonnant pour des formats courts. Merci à tous ceux qui m'ont donné leurs impressions, elles me sont extrêmement précieuses pour ajuster plus finement le tir, qu'elles soient positives ou négatives.

Les discussions que j'ai avec les membres de mon équipe tournent autour de sujets (le grain apparent, la saturation, la restitution de la gamme de tonalités, le respect du format 2.35, etc.) dont le public se fiche éperdument. La majorité des défauts qui me font grincer des dents passe totalement inaperçu même auprès de confrères professionnels.
En revanche certaines remarques attirent mon attention sur des points inattendus. La façon dont le public "absorbe" un film est en tout point fascinante. C'est quelque chose qui dépasse la logique, et pose des questions vraiment essentielles.

Mais au-delà de ces projections en particulier, je voulais tirer un bref bilan de ces deux aventures parce qu'elles sont similaires: tournage en RED, post-prod sur RAIN et shoot sur négatif depuis les images 4K anamorphosées.

- La définition est étonnante, meilleure que celle de la plupart des copies standard qu'on voit dans les cinémas. C'est sans doute dû au workflow du labo, puisqu'un "négatif numérique" permet de sauter les étapes interpositif/internégatif qui dégradent les images;

- Les couleurs sont un peu plus saturées que prévu, surtout dans les oranges. Je savais que le labo film contraste un peu les images ce qui densifie les couleurs, mais le pic dans l'orange reste un mystère à éclaircir. Enquête en cours;

- La pellicule ajoute un petit grain souvent bienvenu. C'est sans doute une habitude visuelle du XXe siècle;

- Les deux films flirtent avec les basses lumières. Du coup les artefacts du capteur de la RED apparaissent sur la copie 35mm si les points de tirage ne sont pas rigoureusement justes. C'est LA zone dangereuse quand on tourne avec ce genre de capteur. Il importe donc de bien ajuster tous les maillons de la chaîne de post-prod pour être confiant qu'un "noir" dans la zone des 10% (par exemple) apparaisse gris très sombre sur la copie 35mm;

- Toujours au rayon des basses lumières, il est important de savoir en-dessous de quelles valeurs les noirs seront "clippés", c'est-à-dire que toutes ces valeurs plus basses disparaîtront dans un noir total. Dans le cas des deux films pré-cités, cette valeur tournait autour des 7%. Nous nous sommes arrangés pour faire disparaître les artefacts du capteur en-dessous de cette valeur. Sur certains plans très sombres les artefacts dépassent un peu cette zone et commencent à poindre le bout de leur nez. Ces quelques plans requièrent un soin tout particulier, en l'occurrence:
a. un ajustement fin des les valeurs de sortie de l'étalonnage numérique (clippage plus haut)
b. le choix de l'émulsion de la copie d'exploitation (Standard ou Premium) et
c. le réglage précis des points d'exposition au labo film.
Certains de ces points sont encore en réglage à l'heure où j'écris ces lignes. Les copies ultérieures seront légèrement rectifiées. Les leçons tirées de la mise en place du workflow serviront à tous les projets qui suivront cette filière RAIN > Arane / Gulliver Paris.

Le réglage est très fin parce que le choix de la pellicule influence directement la façon dont les noirs plongent vers des valeurs très basses. Le bruit révélé par un clippage plus bas pourrait disparaître avec la Premium alors qu'il serait visible sur la Standard, et exigerait une sous-ex de 2 points sur la tireuse du labo.

- Pour dompter ces zones critiques, j'essaie dans la mesure du possible de ne pas tourner à pleine ouverture, pour pouvoir contrôler très précisément les zones sous-ex sans flirter avec le bruit du capteur. Ca n'est évidemment pas toujours possible, vu que dans l'esprit des prods, un tournage en pénombre ne requiert pas beaucoup de lumière. C'est l'inverse qui est vrai.

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