Je me lance dans un petit pamphlet. Prenez-le comme tel. Je force un peu le trait pour me faire comprendre, mais le but est de provoquer un débat, pas d'asséner ma vérité.
Il n'existe pas d'antonyme à "perfectionnisme". Je propose donc "imperfectionnisme". C'est ma nouvelle religion en matière de technologie. Alors que l'iPad ignore délibérément les fonctions qu'on attendrait d'un ordi portable, et que les photographes accros aux mégapixels commencent à avouer que cette compétition ne mène nulle part, je trouve qu'en matière de caméras et d'objectifs, la course à la perfection technologique a assez duré.
Aujourd'hui on filme en ultra-haute définition avec des objectifs méga-piqués mais ensuite - horrifiés par les imperfections sur le visage de la jeune première, et déçus par le manque de caractère des images - on diffuse, on dégrade, on nivelle et on granule.
Pourquoi rejeter des objectifs qui vignettent et qui "flairent" (ouch, le vilain néologisme!) alors même qu'on trouvera les images trop cliniques sur le banc d'étalonnage? Rejeter un vieil objectif sous prétexte d'imperfection, c'est comme rejeter une pomme "bio" parce qu'elle est un peu difforme (certes, mais tellement plus savoureuse qu'une pomme parfaite), ou choisir un chien en fonction de ses gènes et non de sa "personnalité".
Bien sûr, certains objectifs méritent de rester sur les étagères, tout comme les pommes blettes ou les roquets hargneux. Et bien sûr, il y a une bonne raison de préférer les objectifs "parfaits" aux autres: ils permettront d'assurer les raccords visuels lorsque plusieurs lentilles auront servi à filmer une même séquence. Mais je veux exprimer quelque chose de plus général, un véritable ras-le-bol du "plus-que-parfait".
Aujourd'hui les vendeurs de plasmas/LCD font croire aux clients qu'une télé 600Hz (600 rafraîchissements par seconde) est bien meilleure qu'une 100Hz. Alors qu'à l'évidence, vous voyez bien que le visage de Johnny Depp est tellement rafraîchi qu'il ressemble à du plastique et que le galion pirate paraît avoir été filmé en vidéo entrelacée dans une pataugeoire.
Parti en vacances à Split (Croatie), j'ai laissé mon Canon de 15 mégapixels à la maison. Je me balade avec mon "vieil" iPhone 3G et une application photo qui tente de retrouver le look argentique et les aberrations optiques des vieux appareils. Tout y passe, que ce soient les erreurs de labo, les taches de vieillissement, le virage des couleurs, le vignettage, les contrastes trop forts des émulsions inversibles, etc.
Eh bien, je trouve que ces photos imparfaites sont souvent bien plus intéressantes que ne le seraient des images prises avec un 6x6 numérique muni du meilleur objectif du marché.
Toutes proportions gardées, je retrouve dans ces images "moins-que-parfaites" un peu de cette magie que j'aime dans certains films de l'Est. Des oeuvres hongroises, tchèques ou polonaises - des pays où l'on voue à l'image un véritable culte. Souvenez-vous des stupéfiantes images que Slawomir Idziak avait créé pour "Tu ne tueras point" en 1988, "La Double Vie de Véronique" en 1991 ou Gattacca en 1997. Diffractées, "abimées", colorées, certes. Mais combien plus évocatrices et envoûtantes que ne l'auraient été des reproductions fidèles - en 4K et en relief - de ce que l'équipe voyait sur le plateau?
Alors? Pensez-vous qu'il est temps de revendiquer l'imperfection comme quelque chose de profondément humain - en accord avec notre façon de voir le monde - ou au contraire êtes-vous un partisan de l'ultra-réalisme - définition maximale, piqué absolu et relief 3-D?
Pour ma part,
RépondreSupprimerje suis a 100% d'accord avec ce point de vue !
et en passant, merci pour ce blog et tout vos précieux conseils :-)
" l'imperfection comme quelque chose de profondément humain "
RépondreSupprimerC'est exactement celà.
On constate aussi que chez certains professionnels comme chez certains amateurs de photo, qu'il y a un retour à la magie de l'argentique, de l'Instantané.
C'est la renaissance du pola, de l'argentique sous toutes ses formes (petits et moyens formats). Les holgas, Polaroids, reflex argentiques se vendent comme des petits pains, bref il semble bien que le numérique n'ait pas comme limite le nombre de pixel mais une esthétique trop parfaite, trop lisse, trop plate.
Ce genre d'application iphone ainsi que la mouvance de l'étalonnage des films en ce moment en sont une preuve.
La question que l'on doit aussi se poser est :
Est ce que ce n'est pas une question de générations éduquées au super 8, 135, diapos, et 35mm et est ce que ces critères esthétiques ne changerons pas avec les générations qui auront comme référence visuelle, depuis leur enfance, le numérique ?
Et bien Pascal, je suis content de lire ça. C'est toute la question du beau versus de l'esthétique.
RépondreSupprimerL'esthétique c'est un ensemble de facteurs. Un film peut avoir une esthétique lorsque la forme convient au propos. A ce titre "L'esquive" est un film magnifique, "Le Ruban blanc" aussi. Car leur forme dialogue avec le contenu.
Le beau n'est qu'une valeur sans dialogue. Le beau a une vie courte car le beau ne parle qu'un instant seulement. Le beau est inintéressant car il n'existe que pour lui. Le beau c'est une publicité, le beau c'est une photo de mode. Finalement, le beau c'est moche dans son contenu.
Faire de l'esthétique ce n'est pas faire de belles images. Faire de l'esthétique en cinéma c'est raconter des histoires et les dévoiler de la manière la plus discrète pour qu'il ne reste qu'elles.
Ainsi, et je trouve cela ridicule, certains fabricants de software pense que l'esthétique est une couche de vernis. Ils inventent des applications IPhone qui imitent l'esthétique des images vieillottes car ces fabriquant pensent que l'esthétique est lié à une période. Du coup ils proposent de faire du beau avec du banal en faisant croire à chacun qu'il fait de l'esthétique.
L'esthétique n'est pas d'un temps passé, elle existe toujours. Et tant qu'il y aura des histoires, elle perdurera. Donc peu importe, filmons en 30K si cela nous chante, en DV ou super8, s'il y a une histoire derrière, un point de vue sur le monde, et pas seulement une blague, il y aura des films qui méritent d'être faits.
J'enrage de voir de mauvais films emballés dans un beau ruban (blanc), dont on ne retient que l'image. Quand je regarde une toile, ce n'est pas la peinture que je regarde, mais son contenu. Sinon autant se rendre à Jumbo et s'exalter devant un bidon de peinture Levis. Ou se rendre au NAB et s'émerveiller devant la dernière SONY HD. Ceux qui ne pensent qu'à s'émerveiller ne devraient pas faire de films, je serais quitte de leur en vouloir et je les en remercierais.
Amitiés
Robin ERARD
Robin, quand tu écris "Faire de l'esthétique en cinéma c'est raconter des histoires et les dévoiler de la manière la plus discrète pour qu'il ne reste qu'elles", ça me fait penser à ce que certains musiciens de film disent d'une bonne musique de film: elle devrait se faire oublier. Un tas de musiciens et de cinéastes s'opposent frontalement à ça. Tu as entendu la musique du dernier Scorsese? La musique est tout sauf discrète, et pourtant elle plonge le spectateur dans une sorte d'effroi.
RépondreSupprimerSi la discrétion était une qualité dans l'art, elle aurait interdit Gaudi, Picasso, Le Caravage et tous ces artistes dont l'art est tapageur. Ou des courants artistiques entiers comme l'expressionnisme. Ou le fauvisme.
Que la forme épouse le fond, soit. Mais que la forme s'efface au point de disparaître, est-ce vraiment désirable?
Si je peux apporter ma modeste contribution à ce billet d'humeur, je dirais, avec un air un peu idiot, que la perfection n'a de sens que dans une direction que l'on s'est donné. Filmé Avatar en super 16 n'aurait certainement pas été judicieux, et peut être que filmé Démineurs en HD ne l'aurait pas été non plus (c'est du S16 gonflé en 35 il me semble). Voir le grain de la peau sur les acteurs n'est pas le plus important, le plus important c'est ce que l'on souhaite raconter et comment le raconter au mieux.
RépondreSupprimerPeu importe que cela soit discret ou pas, le principal c'est que cela provoque l'émotion souhaité. Si un effet nous fais sortir du film parce que on se dit "putain c'est trop bien fait" mais qu'en même temps il ne nous emmène pas vers un horizon émotionnel (ou autre) alors que c'est la direction souhaité, l'effet est raté. Maintenant tous le monde est subjugué et a conscience que les Na'vi d'Avatar c'est révolutionnaire, ce n'est pas un effet discret, mais pourtant, à travers le monde, c'est l'émotion qu'a susciter cet effet par rapport à une histoire donné et à une intention donné (le chemin émotionnel que le spectateur parcours et que Cameron souhaitais) qui a fait du film le carton planétaire que l'on connait. Que l'on aime le film ou pas, la question n'est pas la.
Je pense donc qu'il faut réfléchir en terme d'impact et d'intention. Maintenant le spectateur évolue dans son temps, et il sera "choqué" par certains effets datés qui pourront peut être le sortir du film (si on reste dans le cadre du cinéma). Il y a des tas de paramètre annexes à prendre en compte.
Si perfection était synonyme de réalisme, alors on pourrait tous arrêter de faire du cinéma ou de l'art, le réalisme n'est absolument pas l'intérêt. Je n'ai jamais vu la vie en terme de découpage, ce qui ne m'empêche pas de plonger dans un (bon) film et de vivre l'expérience réel (car c'est ce qu'elle est) sans pour autant que cela corresponde à ma vision (au sens premier du terme, c'est à dire de percevoir le monde avec mes sens). Si perfection rimait avec réalité de nos sens (car quand on dit qu'une caméra avec le piqué-qui-nous-fait-voir-le-grain-de-peau, c'est plus réel que du S16, on se refert bien à un sens : la vue), c'est nié que le réel se construit également (et surtout) par l'esprit et la somme d'expérience individuelles qui construisent autant de réalité que d'individu. (ce qui ne veut pas dire qu'il ne faut s'éfforcer de trouver des vérités objectives)
Si, comme Cameron le suggère dans un interview, le cinéma c'est la porte de la perception "le cinéma c'est entrer par une porte et ressortir par une autre : c'est la port de la perception", alors peut être qu'une œuvre d'art est entre autres un moyen de pénétrer dans la perception de la réalité de quelqu'un qui s'exprimer avec un langage (cinématographique, picturale, lettre etc ...) qui soit avant tous l'expression d'une vision à travers un médium. A partir de la seul va compter la façon de s'exprimer et la communication avec la personne qui regarde, lit, écoute ou joue. Qu'il s'agisse d'image granuleuse, très piqué, n&b, couleur ... Peu importe, le principal c'est qu'il arrive à atteindre son objectif en s'exprimant et en faisant en sorte que l'Autre pénètre dans cet réalité, celle de l'autre. (alors peut être atteindrons nous la vérité du monde, mais arrêtons nous la)
David Gendreau.
Bonjour, j'ai la même sensation. J'ai un D90 avec de bonnes optiques mais je m'amuse tout autant avec mon iphone et l'excellente application gratuite "Format 126" pour ajouter un vignettage et une coloration polaroid. Quelle est l'application dont vous parlez dans ce billet ?
RépondreSupprimerOlivier, il s'agit de Hipstamatic.
RépondreSupprimerRobin, je n'opposerais pas le beau et l'esthétique, parce que ça prête à confusion. Mais plutôt le beau et le joli. La beauté étant plus profonde, plus "adéquate" avec le fond, alors que le joli peut être superficiel, séduisant de prime abord mais lassant à la longue parce que ça n'est qu'un effet.
RépondreSupprimerCeci dit, je te défie de trouver belles les images d'Idziak pour Tu Ne Tueras Point. Elles sont hantées, rongées, vénéneuses. Et c'est pourtant exactement le genre d'images imparfaites qu'il fallait oser faire pour entraîner le spectateur dans la névrose du perso principal.
Je ne crois donc pas que le débat se situe dans l'opposition du beau à n'importe quoi d'autre. Je le place exclusivement sur le terrain de la quête désespérée de la perfection du rendu qui nous obsède à l'heure actuelle. Et à la vague de Résistants, tous les jours plus nombreux, qui pensent que cette quête mène à un cul-de-sac.
Hello,
RépondreSupprimerConcernant le dernier Scorsese. La musique n'est en effet pas discrète, et elle est plutôt réussie (par rapport au film, que je n'ai pas vraiment aimé). Cette musique nous plonge dans une ambiance que l'histoire demande. Elle est donc au service de l'histoire. Elle n'existe pas que pour elle-même. Elle existe pour être mélangée au trio narratif (histoire,image,son).
Concernant Idziak, c'est un DOP dont Piotr m'a passablement parlé et dont j'ai vu quelques films. Les images de Idziak à mon sens sont esthétiques car elles correspondent au fond. Elles ne sont pas belles, elles ont du sens. Notre travail c'est faire du sens. Une photo à Hipstamatic n'a pas de sens si elle ne dit rien d'autre que sa forme.
"La quête désespérée de la perfection du rendu qui nous obsède" ? Personnellement elle ne m'obsède pas, c'est la perfection du sens qui doit nous obséder. Et ça à mon sens, ça vient de l'histoire avant tout.
Une chose encore. Il y a un an, j'ai mené un atelier à l'IAD sur la RED et sur les caméra ultra HD. Il en est sorti ceci : "La quête du rendu parfait c'est du pain béni pour les loueurs. C'est une surenchère faite par des techniciens pour des techniciens".
Concernant Picasso ou Gaudi. Le travail de fond est discret. Le sens est tapageur. On se moque de savoir si Picasso a utilisé un pinceau de telle marque. Seuls les historiens et fans seront intéressés de la savoir.
Robinet
Je suis entierement d'accord. Je dirais même que c'est un art de vivre. Le cerveau cherche la perfection, le coeur non. A chacun de trouver son équilibre.
RépondreSupprimerMerci Robin pour tes réflexions. Je reviens vite sur qqs points.
RépondreSupprimerJe sais que la quête de la perfection (technique) est encouragée par les loueurs et les "gars du marketing" de RED et d'ailleurs. Tout comme la quête de la beauté absolue est vendue à Mme Michu par les géants de la cosmétique.
Le débat que j'ai lancé fait surtout sens chez les techniciens. Tu es un réalisateur, et donc tu ne subis pas, jour après jour, la pression à la perfection technique. Je comprends donc que le sens du débat t'échappe un peu.
Et quand j'écris que certains artistes pratiquent un art tapageur, je veux dire qu'ils ne cherchent pas à se fondre dans les conventions techniques et esthétiques du moment. Je ne parle pas de la marque du pinceau de Picasso, mais de son choix de faire éclater le réel, de le fragmenter. Le Caravage a montré la lumière et les ténèbres comme peu d'artistes avant lui. Les immeubles tordus de Gaudi défiaient les pratiques courantes de l'architecture. Je parle des oeuvres où le sens dicte une certaine technique. Alors qu'aujourd'hui, c'est souvent la technique qui comble un vide de sens.
hum...
RépondreSupprimerÉtrange que ce débat que je ne puis m'empêcher de trouver somme toute assez stérile...
Pascal tu poses la question s'il faut rechercher à tout prix la perfection ou au contraire glorifier l'imperfection? Cela ne revient-il finalement pas au même? Certes tu dis lancer le débat pour les techniciens mais la forme pour la forme est a mon avis une erreur en soi. Qu'il s'agisse de rechercher la perfection ou l'imperfection c'est égal... Je rejoins ici David qui dit que la forme doit rejoindre le fond... Imaginer Avatar filmé en Hipstamatic (à quand la version vidéo?) me fait froncer les sourcils au même titre que "C'est arrivé près de chez vous" en 3D doit perdre tout son charme...
Regarde même tes photos, certes l'Hipstamatic souligne à merveille le charme désuet de ta ville de villégiature (ça a vraiment l'air chouette au passage), mais je trouve qu'il fait très "effet" lorsque tu photographies l'Airbus d'Easy Jet.
Parlons-en du débat de techniciens... as tu déjà été visiter le "Rolex Learning Center" de l'EPFL? Voici une belle preuve de débat de technicien.... Un bâtiment original c'est certain, et, nous dit-on, une prouesse technologique. En effet les "techniciens" architectes et ingénieurs crient au messie en voyant les dalles courbes du bâtiment. il n'empêche que lorsque j'ai été visiter le dit bâtiment, la seule chose que je me suis vraiment demandé c'est si quelqu'un c'était posé la question à un moment ou à un autre de savoir à quoi allait bien devoir servir ce bâtiment et même si il y avait un quelconque besoin d'en construire un. Au final: magnifique bâtiment, incroyable technique mais personne sait à quoi il sert...
Quant à Robin je trouve que tu vas trop loin et je pense que le débat beau versus esthétique n'est pas si universel que tu veux bien le dire. Le beau est une photo de mode? Oui et des millions de gens aiment les photos de mode, c'est ces même photos de mode qui permettent à des industrie multi-millardaires d'engranger leurs revenus... n'est ce pas une preuve que le beau touche? Que le beau émeut? que le beau plaît et fascine? Les Mario Testino, Sean Ellis et autres Lagerfeld font il de la photo de mode ou de la photo d'art? Où est la limite?
Et si le beau était une esthétique?
J'en veux pour exemple des films tels que "Océans" ou "Microcosmos". L'histoire d'"Océans"? catastrophiquement nulle! Un vague plaidoyer écologique de bas niveau. Mais des images d'une beauté remarquable qui m'ont mené bouche bée (au propre et au figuré) jusqu'au générique du fin. La qualité et la beauté des images suffisent à transporter le long du film.
Là où je trouve que tu vas vraiment trop loin c'est quand tu dis que, "Faire de l'esthétique en cinéma c'est raconter des histoires et les dévoiler de la manière la plus discrète pour qu'il ne reste qu'elles.". A te lire on pourrait croire que de belles images risqueraient de biaiser le message le message du film? Quelle idée! Devons-nous faire de moches images dans nos films pour que ce dernier paraisse intéressant? Devons-nous nous interdire de mettre la forme de peur que le fond ne soit dominé par la forme? Si cette peur effleure l'esprit d'un artiste, je pense que ce dernier devrait remettre en question la validité de son "fond" plutôt que de s'en prendre à la forme. Cela me rappelle de nombreux films que j'ai vu
Et, cela n'engage que moi, mais quand à la fin d'un film j'ai envie d'offrir ma lampe de chevet au chef-op afin qu'il puisse éclairer son film dignement, je crie moins souvent au génie qu'à la masturbation intellectuelle...
Masturbatoirement vôtre
Arnaud
Arnaud, merci pour tes commentaires.
RépondreSupprimerMais lorsque tu dis que le beau touche dans la mode, tu te trompes. Ce n'est pas parce que des millions de gens "aiment" les photos de mode que ces photos sont esthétiques (au sens que je définis), aimer n'a aucune valeur. Puisqu'on parle de mode : Ma grand-mére aime la série "Top model", est-ce de qualité ? Pour elle oui, car ça la caresse dans le sens qu'elle souhaite. Pour moi non, car ça ne m'apprend rien du monde. C'est taillé sur mesure pour plaire. Les photos de mode aussi, taillées sur mesure pour "toucher", ou plutôt pour happer. Elle ne sont bien souvent que belles. Sauf lorsqu'on y met un photographe qui a quelque chose à exprimer à travers elles. Là il y a création de sens.
Ensuite tu comprends mal mon propos : "Faire de l'esthétique en cinéma c'est raconter des histoires et les dévoiler de la manière la plus discrète pour qu'il ne reste qu'elles." Car tu poses la question : Devons-nous faire de moches images dans nos films pour que ce dernier paraisse intéressant?
L'esthétique est tout autant opposée au beau qu'au moche. Faire des images "moches" volontairement et que du film on ne retienne qu'elles me pose autant problème que de faire de belles images et que du film on ne retienne qu'elles. Ma règle pour faire un film est : "La forme ne passe jamais au dessus du fond".
Tu parles de Océan, oui on aime (généralement), mais pourquoi ?
1) ça ce passe sous l'eau, ce n'est pas un univers courant.
2) ce sont des images inédites.
Mais finalement du film je ne retiens pas grand chose, de belles images oui, mais qu'est-ce que voulait me dire le réalisateur ? C'est un objet technologique, comme l'est un film de James-Bond des années 80 (ce sont des films qui vieillissent très vite car trop technologiques). Océan n'a d'avantage que d'être le premier film sous-marin aussi bien fait et ce ne sont pas les critères qui définissent pour moi un film intéressant.
esthétiquement vôtre
Robin
Merci pour le nom de l'application, je l'ai achetée et quel plaisir. Du coup je ne pense plus ouverture, vitesse, sensibilité... mais plutôt sujet, instantanéité : l'essence de la photo en somme.
RépondreSupprimerC'est le début d'une nouvelle réflexion pour moi. Merci et bonne continuation pour ce blog que je suis tous les jours. ;-)
Exellent la reflexion Pascal,
RépondreSupprimermais donnez nous une app histamatic video ! que j'arrete de me prendre le chou toute la nuit sur after, colorista et autres MB looks !!! :))
gilles
Je reviens du cinéma ou j'ai pu voir Mammuth, du célèbre duo d'auteur grolandais. Et ce film m'a tout de suite rappelé cette note de blog.
RépondreSupprimerTout dans ce film est fait pour contrarier les puristes. images granuleuse de la pellicule 16mm inversible ,couleur hyper saturé, sous et sur exposition, flou flare et même 8mm qui, gonflait en 35, s'en prend plein la figure.
et le choix du montage et de la mise en scène, de ne pas couper les séquences, de ne garder qu'un plan large , tant pis si Depardieu reste de dos durant tout son départ en retraite, l'interet n'est pas la , l'interet est dans le film.
Parce que c'est bien ça qui nous porte, c'est cette histoire simple sur la vie , le passé et le présent. Ils ont fait fort Gustave Kervene et Benoit délépine.
Au diable la perfection quand le cinéma est là.
C'est un débat qui réveille les passions, personnellement je ne suis pas un accros de la perfection, je me contenterai de faire remarquer que qui peut le plus, peut le moins. Une image parfaite ne convient pas à toute les histoire mais au moins on a le choix en d'en faire ce qu'on veux.
RépondreSupprimerPerfection, imperfection, esthétique, beau ?
RépondreSupprimerSans rentrer forcément dans ce qui a été dit plus haut, voici ma vision actuelle des choses:
Subtilité et équilibre. Pour moi, la perfection doit tendre à ces deux choses.
D'un côté, l'amérique victorieuse, riche et fière qui bombarde à coup de flashs, gadget, optimisation photoshopienne.
De l'autre, "l'artiste nostalgique" qui prend des photos de nanas torturant des peluches dans des lieux désefectés avec du grain, une imitation polaroïde...
Entre les riches manias de la perfection qui veulent tous mieux que le voisin et les "artistes" fauchés qui se donne un genre avec la lomographie qui est à la mode, tout cela n'est qu'effet de style.
Je cite du contenu pour que le cliché ressorte mais si on ne parle que de la forme, je pense que chaque chose doit avoir sa mesure et que devant le nombre de moyens qui s'offrent à nous, on se noie souvent et on tombe dans les extrèmes avec des débats qui oscillent d'un bord à l'autre et enjambent l'essentiel...
Je ne citerai que Bary Lindon, Mort à Venise et No country for old men, le sceptième sceau...
Perso je suis plutôt dans la photo, mais je suis avec un très grand intérêt votre excellent blog.
RépondreSupprimerDeux ans après cet excellent sujet, le débat a selon moi évolué.
Je suis globalement d'accord avec les excès que vous dénonciez en 2010 (même si on est selon moi quand même pas loin de l'enfoncement de porte ouverte ! ;) ). Les imperfections participent bien entendu très souvent au charme de l'image. Ok.
En revanche, je vous suis beaucoup moins sur la mode des photos trafiquées via applis iPhone. Bien sur il est pus facile pour moi de dire ça deux ans après, mais je pense que mon avis n'aurait guère différé en 2010.
Le problème c'est que, comme souvent, un excès a généré un excès inverse : ces photos ont d'envahi la toile jusqu'à la nausée.
Les effets qu'elles utilisent à l'excès, et qui étaient jusqu'à présent (souvent à juste titre selon moi) dénoncés comme étant de mauvais goût ou comme une facilité de post prod sont devenues hype (gros vignettages, cadres décoratifs, faux "parasites", faux flous de faible pdc...). Soit.
Mais du coup des milliers de personnes se sont mises à croire que la bouillie sortie de leur iPhone était de la photo, car toujours jolie et toujours admirée par leurs "amis" virtuels ou non.
Pire, ils se sont même crus underground, voire artistes, car leurs photos étaient imparfaites...
Bref, le charme que pouvait avoir ce "retour au défaut" s'est volatilisé aussi vite qu'il est arrivé, et nous voilà assommés par des milliers de photos décoratives, toutes identiques, qu'on voit plus qu'on ne regarde, et qui ont participé à la mode du moindre effort en matière d'image...
Merci encore pour tous ces débats et infos précieux !