Photo prise aujourd'hui au cours d'une balade, "réalisée sans trucage" selon l'expression consacrée. Après Notre-Dame de Paris c'est ma seconde photo mystique sur ce blog: je vais pouvoir lancer une série.
Mon objectif n'est pas de vous montrer l'effet de la lumière qui traverse une fine couche d'encens après être passé par un vitrail particulièrement lumineux. Je voulais plutôt partager avec vous une réflexion qui m'est venue en cadrant l'effet.
J'ai eu plusieurs fois l'occasion de discuter avec des collègues sur l'opportunité de cadrer les images que l'on éclaire. Personnellement j'estime ça préférable parce que ma façon d'éclairer, en règle générale, dépend beaucoup du cadre.
Je trouve important d'aligner les éléments, de "séparer" les couches en profondeur, du premier plan au fond du décor, et de travailler ainsi la lisibilité de l'image.
D'autres directeurs de la photo, qui travaillent la lumière de façon plus globale, éclaireront le lieu pour créer un climat et laisseront le cadreur « allez à la pêche aux plans » en rattrapant, si besoin est, la lumière de prise en prise.
Pour vous faire participer à ma réflexion, j'ai pris trois photos d'un même lieu.
Du strict point de vue de la lumière (la position de l'objectif dans le décor, par rapport aux projecteurs) et non du cadre lui-même, la première photo est assez triviale parce que l'effet est tellement présent et surligné qu'il aimante le regard et accapare toute l'attention du spectateur.
La première photo ci-dessous a été prise en déplaçant l'objectif d'un mètre vers la droite. L'effet est toujours présent et attire le regard, mais il laisse toutefois le loisir d'explorer d'autres parties de l'image. Sur la troisième photo, l'effet est encore amoindri. Cette fois le cadre (au sens strict du terme) est rectifié pour mettre l'effet en contexte.
Comme vous le voyez, la position de l'objectif dans l'espace permet en l'occurrence d'influencer directement la perception de la lumière. Dans cet exemple c'est assez flagrant - d'habitude, les différences sont plus fines.
Mais imaginons que j'ai choisi de faire placer un gros projecteur à l'extérieur, sur un échafaudage pour qu'il pique dans l'église en dessinant une diagonale. Et que j'aie dispersé une fumée légère pour souligner les rayons lumineux. Un cadreur pourrait se dire, en voyant l'attention qui a été portée à l'éclairage de cette fenêtre, qu'il faudra sans doute lui faire la part belle dans le cadre. Alors que mon intention était plutôt de créer un effet discret, qui accentue légèrement la spiritualité du décor.
Dans un monde idéal, le cadreur et le directeur de la photo dialogueraient constamment comme les deux encéphales d'une même personne, et pour ne rien laisser au hasard échangeraient des informations qu'une tierce personne qualifierait "d'enculage de mouches". A tort bien sûr, puisque tout le monde sait que le diable se cache dans les détails.
Dans le monde réel je préfère donc laisser mes propres encéphales dialoguer et échafauder des stratégies de telle façon que quand j'éclaire je pense au cadre, et quand je cadre je pense à la lumière. Sans que personne n'évoque la moindre mouche.
Vous l'aurez compris il ne s'agit pas pour moi de dévaluer le poste de cadreur, ni de prétendre avoir le "cadre absolu". Mais plutôt de gagner du temps et d'optimiser l'effet de chaque source.
Et vous, qu'en pensez-vous ?
Question très intéressante. Je pense qu'il n'y a pas de réponse définitive. Tout dépend du type de projet. Si la préparation de la lumière amène à quelque chose de si personnel que seul le chef-op peut la sublimer dans le cadre, une discussion avec le réalisateur et la production s'impose pour qu'il soit également cadreur.
RépondreSupprimerAutrement, je pense que le mieux et de pouvoir avoir le cadreur présent au plus possible de réunions et d'organiser des rencontres autour des plans lumières. Ne pas parler qu'en termes techniques est également crucial à mon avis. Il faut que les deux métiers s'allient pour créer une émotion finale.
Dans l'idéal, il faudrait pouvoir travailler avec un cadreur que l'on connaît et ainsi savoir comment il fonctionne et réagit par rapport à l'atmosphère d'un lieu.
Les points clés sont à mon sens: préparation et communication.
Maintenant, il est clair que si l'on tombe sur un gros manche qui refuse d'écouter quoi que ce soit et qui est convaincu d'avoir le cadre ultime, il est vrai que ce sera difficile. Mais qui dit longue préparation de lumière dit aussi production qui s'arrange pour avoir les services des meilleurs éléments.
Les détails font la perfection, et la perfection n’est pas un détail.
RépondreSupprimerLéonard de Vinci
Peut on vraiment qualifier de chef op un gus qui pense qu on peut éclairer un lieu independamment du cadre (axe et reglage de la camera) ?
RépondreSupprimerA moins qu "eclairer" signifie jeter partout du 3200k filtré en fushia, la ok le cadre changera pas grand chose :D
Laurent
Je découvre votre blog et déjà le premier message me plaît, même si je ne suis pas Chef Op..
RépondreSupprimerMerci!
Merci pour vos commentaires!
RépondreSupprimerDave, j'adhère complètement à ta position.
Daniel, je ne connaissais pas cette citation. Le seul piège est de tomber dans le perfectionnisme et j'essaie - dans la mesure du possible - d'éviter ça, sauf en pub.
Laurent, je connais des Directeurs Photo qui n'aiment pas cadrer (en fait ce sont des manches en terme de composition et ils le reconnaissent). Ils conçoivent la mise en lumière comme l'installation d'une ambiance propice au jeu. Et laissent le cadreur cadrer. Ça n'est pas ma position mais je la respecte ;-)
Seb: de nada.