11 juillet 2012

Contrôle des contrastes: les sols mouillés




J'ai pris ces deux photos à quelques jours d'écart.
L'image du bas est sans doute plus graphique et plus "pêchue", même si l'étalement de l'eau n'est pas régulier.
Il est frappant de constater à quel point la lumière du ciel pénètre profondément dans l'obscurité du tunnel.

Les rues nocturnes, les sols dans de grands intérieurs sombres, sont parfois trop ternes ou trop mats pour les besoins de la séquence. Construire des images requiert alors une gestion spéciale des contrastes, qui passe par exemple par l'humidification des sols.

Face aux brillances, les réflexes conditionnés des chefs op vont dans deux sens contradictoires.
En intérieurs, si un mur ou une porte "brille", on saute sur le spray matifiant.
Alors que lorsqu'une séquence commence par "Ext. Nuit - Rue" on appelle la régie pour faire briller l'asphalte en la recouvrant d'eau, sans même avoir été en repérages à l'endroit prévu.

Au-delà des recettes et des conventions, contrôler les brillances c'est opérer des choix radicaux qui affectent le climat d'une séquence. Les routes humides réfléchissent en effet plutôt le ciel et les lumières nocturnes, ce qui donne une importance énorme - dans la hiérarchie de l'image - à un endroit où l'oeil ne se pose pas d'habitude, le sol. La coloration spéciale des sols mouillés, leur clarté qui souvent les rend plus lumineux que le reste de l'image, permet de silhouetter les comédiens et les figurants, qui n'ont alors pas besoin de beaucoup plus de lumière pour s'imposer.



Une fois que les surfaces sont humidifiées, les sources doivent être positionnées et accessoirisées avec beaucoup plus de soin que si le sol était mat. 

Il importe de comprendre l'angulation des lumières, en considérant le sol comme un miroir. Les plongées sur le bitume révèlent des sources haut placées, hors champ, qui doivent être précisément positionnées et contrôlées.

Les sources étant visibles, il faut également se poser la question de leur forme apparente. Pour alterner harmonieusement les surfaces larges, les lignes et les points lumineux, on recourt à des sources plus ou moins larges, ou à de grands diffuseurs - ou réflecteurs.

Il faut enfin tenir compte du fait que la réverbération donne de l'importance aux sources même lointaines. Si le sol était mat, la source devrait être placée plus près de l'aire de jeu pour avoir de l'effet, alors qu'une fois le sol mouillé, c'est le reflet de la source elle-même que l'on perçoit, et non plus les effets de son faisceau.

Cette distinction est importante lorsque l'on filme des surfaces brillantes comme des carrosseries de voiture par exemple. Les reflets des sources y dessinent des formes, tandis que les faisceaux des mêmes sources, placées plus ou moins près de la carrosserie, en révéleront plus ou moins les couleurs.

J'y reviendrai avec un exemple concret.

Les 3 photos de Las Vegas sont © 2011 Peter Kun Frary 

5 commentaires:

  1. Anonyme12.7.12

    Instructif, article intéressant et concret. Les sols mouillés m'ont toujours posé des problèmes d'où placer les sources. Je comprends mieux certaines choses qui m'avait échappé. Bien vu donc Pascal Montjovent (et bravo pour le reste du blog au passage)

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  2. Anonyme21.7.12

    Très intéressant ces articles. A mon avis, il faudrait les compiler et les publier. Voir les traduire en anglais. Bravo, merci et bonne continuation.

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  3. Merci pour vos appréciations :)
    Pour ce qui est de la compilation, quelque chose est en route.

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  4. J ai remarqué que dans beaucoup de films notamment américains (Spielberg Fincher) les rues sont le plus souvent mouillé ?
    Merci pour votre réponse.

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  5. Les raisons pour lesquelles on mouille les sols sont évoquées dans cet article. Je vous le laisse lire et si vous avez d'autres questions j'y réponds volontiers.

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