31 mars 2010

The Pacific

A voir actuellement, les premiers épisodes de la nouvelle série de HBO, The Pacific.
Essayez de le voir en 720p. Le souci du détail, dès le générique, vaut la peine d'être admiré en "HD".

C'est Remi Adefarasin qui chefope. On en reparlera.

21 mars 2010

Direction de la lumière: un cas pratique

Que ce soit sur un plateau ou en donnant un cours, je me rends bien compte que l'une des questions les plus importantes est le placement des sources.
D'où est-ce que la lumière devrait provenir, et dans quelle direction devrait-t-elle frapper?

Les réponses à ces deux questions en apparence simplistes ont un impact majeur sur les images finales. Bien davantage que le choix de la caméra ou des objectifs.

Paradoxalement, ce domaine crucial est aussi le moins aisé à expliquer. A moins de s'en tenir à des généralités (la règle des trois points et autres recettes de base), on ne peut qu'effleurer la complexité des raisonnements en jeu.
Je me suis souvent demandé ce que ça donnerait si je pensais à haute voix sur un plateau. Il y a tant de compromis - techniques, artistiques, humains, ainsi que le respect du timing - que les idées se télescopent à toute vitesse, à la recherche de solutions à la fois simples et "payantes".

Une occasion s'est récemment présentée d'aborder très concrètement la question du placement des sources. Il s'agit de questions qui me sont parvenues par e-mail.

David, étudiant à 3is, me demandait de porter un regard critique sur la lumière d'un court-métrage.
J'ai commencé par lui répondre ceci (extraits):

"Ensuite je suis moins fan des séquences d'appartement. Je les trouve sur-éclairées. Le plus difficile, quand on éclaire un plateau, c'est d'avoir la force d'éteindre des projecteurs et de ne garder que celui, ou ceux, qui sont essentiels.
Je pense que tu gagnerais à te focaliser sur la simplicité, en commençant par octroyer à chaque projecteur une mission, et une seule.
Puis de déboucher les ombres pour diminuer, si nécessaire, les contrastes au premier plan."

Sans se démonter, David m'a proposé de préciser mes pensées en me basant sur deux captures d'écran. Cliquez dessus pour les voir en grand format.

 

Il a également précisé qu'il voulait évoquer un atmosphère quotidienne, "neutre". Et m'a demandé de ne pas tourner autour du pot pour commenter ces images ;-)

Voici donc des extraits de ma réaction à ces deux extraits:

"Ce qui me frappait en voyant le film, et maintenant que j'ai deux images devant les yeux, c'est la timidité des choix, l'absence fréquente de hiérarchisation dans l'image.

- d'une part parce qu'il n'y a pas de sensation de richesse tonale, les hautes lumières étant grises (surtout flagrant et tristounet sur les visages).

- d'autre part, la lumière ne guidant pas l'oeil dans l'image, elle ne reflète pas ton point de vue, ta lecture du sujet filmé, la façon dont tu aimerais qu'il soit vu et interprété par le spectateur.

C'est particulièrement vrai pour le plan général de l'appart. Tout est visible, même ce qui est moche (le contraste de couleur entre la porte et le mur) et inutile (les bibelots dans l'étagère).

En choisissant une direction de lumière AFFIRMEE (cf mon mail précédent), tu aurais hiérarchisé ton image sans pour autant lui ôter son aspect "soirée banale".

par exemple, sur le plan de l'appart:

une fois qu'il est cadré, tu dois te poser des questions fondamentales:

- que veux-tu voir? qu'est-ce qui est important? quelle ambiance installer?
- que veux-tu cacher? qu'est-ce qui est irrelevant? qu'est-ce qui distrairait l'attention?

Pour ce plan, le décor n'étant pas terrible, il y a beaucoup de choses à dissimuler: le mur du fond et l'étagère à droite. Ca fait au total plus des 3/4 de la surface de l'image.

Ce qui plaiderait pour une lumière relativement directionnelle.

Le problème est que tu désires une ambiance plutôt neutre (mais qu'est-ce que ça veut dire, d'ailleurs?).
Il y a clairement un conflit entre tes intentions et le décor à disposition. comment résoudre ça?

A première vue, je vois deux solutions, que je trouve en me posant deux questions:

- quelle serait la lumière idéale dans cette partie de la pièce, pour cette séquence particulière?


- quelles seraient les sources lumineuses "Off" qui pourraient justifier un éclairage réaliste, puisque tu veux rester dans le réalisme?

Je commencerais par répondre à la seconde question en imaginant comment ce coin de l'appartement pourrait être éclairé au naturel:

- j'imaginerais un plafonnier, dans le coin au-dessus de la porte d'entrée, qui émettrait une lumière un peu diffuse mais dirigée, en douche, de façon à éclairer l'acteur en douche et la fille qui entre avec un angle flatteur.

- pour éclairer le reste de la pièce, je verrais bien qu'un lampadaire assez haut, toujours en off, pourrait avoir été placé dans le prolongement des étagères, à droite cadre. Sa lumière raserait les étagères sans éclairer les bibelots, et éclairerait le mur du fond.

Mais pour assombrir ce vilain mur, je placerais un grand drapeau à l'horizontale, toujours droite cadre, pour dessiner une ombre floue qui laisserait dans la pénombre une bonne partie du mur du fond. Ce genre de "toit" (cette délimitation horizontale entre la lumière et l'ombre) fait beaucoup pour instaurer une ambiance cosy et permet de masquer en partie les murs trop blancs.

Dans les plans moyens et les gros plans qui pourraient suivre, la partie haute du mur (qui est donc dans la pénombre), me faciliterait également la séparation entre le comédien, éclairé, et le mur plus sombre. Sa tête se détacherait plus naturellement du mur.

Pour imiter les deux sources "naturelles" que j'évoquais, j'utiliserais par exemple un petit Kinoflo avec nid d'abeille en douche au plafond vers l'entrée (qui éclairerait la porte mais très peu le mur du fond), et à droite cadre, assez haut, une Chimera moyenne sur un Fresnel 4K, ou deux Blondes côte à côte dans une cage à lumière, et diffusées au 250 (avec le grand drapeau à 1 ou 2 mètres de cette source pour dessiner une ombre plus ou moins nette sur le mur du fond).

J'installerais également derrière la caméra une ambiance douce, qui donnerait un niveau général à toutes les zones trop sombres.

Je pars du principe que tu as un petit budget. Si tu pouvais te le permettre, je te conseillerais de travailler en HMI, avec un Pancake sur Bug 400 à l'entrée, et un 1200 kW (ou un 2.5kW) Fresnel avec Chimera moyenne à droite cadre. Cette dernière source doit être assez puissante puisqu'elle sera plutôt dirigée vers le sol (elle en rebondira en donnant un certain niveau de fill), et que je n'utiliserais que sa lumière résiduelle (ses "marginaux" comme on dit) sur le comédien.

Voilà qui résout ton équation: tu vois ce qui se passe, tu focalises sur ce qui est important, tu établis une certaine ambiance réaliste, et tu assures un minimum esthétique en dissimulant ce qui est laid ou irrelevant.

Note que tu pourrais imaginer que toute la scène soit éclairée par la lumière qui sort d'une pièce (imaginaire, mais réaliste, la cuisine par exemple), gauche cadre. Le hall d'entrée serait dans l'ombre, et le gars irait répondre à la porte en sortant de la "cuisine".
Cette lumière forte et directionnelle découperait un rectangle plus ou moins flou dans tout le hall d'entrée, et aurait le mérite d'éclairer frontalement l'actrice quand elle entre dans la pièce. Je pourrais toujours relever l'ambiance dans les parties trop sombres de la pièce en ajoutant un fill.

Cette source pourrait être un Fresnel 2K ou 4K dont j'aurais fait enlever la lentille, pour découper des ombres nettes.

Ce qui nous amène au gros plan de la fille.

Ce qui frappe tout de suite c'est son nez (un peu grand) et son chemisier (trop blanc).

L'éclairage latéral ne convient que rarement aux filles. Ici il fait ressortir son nez, en le modelant, et souligne la ligne de séparation entre les pommettes et la zone au-dessus de la bouche.

Avec ce type de morphologie, mieux vaut privilégier les éclairages de face et d'en haut, toujours diffusés. Que ce soit totalement frontal ou 3/4 face, à toi de découvrir les mystères de chaque visage en baladant une petite source (PAR16) autour et en notant les angles interdits. Mais arrange-toi pour que ta source soit plus haute que le visage (en tout cas pour ce visage précis).

Et aussi que le visage soit plus clair, plus "lumineux". La peau caucasienne, en particulier celle des filles, devrait être aux alentours d'un diaph plus claire que le gris moyen de ton plan. Ce qui n'est pas le cas dans l'image que tu m'as envoyée, d'où cette impression terne.

Une fois le visage éclairé, pour éviter de faire exploser les blancs de la chemise, utilise une mama double ou une petite diff genre 1/2 silk pour couper une partie du flux du projecteur.

Ce qui me frappe dans le gros plan de la fille c'est le fond. Le décor parle des personnages, or le choix des couleurs, des formes et des objets me semble un peu trop aléatoire. Elle est trop proche de ce fond. Il faudrait l'abstraire. Soit en reculant la caméra, et avec une longue focale flouter le décor, soit en le laissant dans la pénombre, soit en cadrant la fille ailleurs dans la cuisine.

Dans les étapes standard d'un tournage, le cadre précède la mise en lumière. Or il arrive souvent qu'un cadre soit influencé par le type d'éclairage que l'on prévoit d'installer. C'est un processus itératif, qui fait partie des nombreuses questions à pondérer quand on attaque un nouvel axe.


Le film en question s'intitule "Vendredi soir". Réalisé par Jonathan Placide, produit par Falcon Movies.

13 mars 2010

"Decay Light" - la lumière dans les décombres


© Sven Fennema (lien vers son site)

© cazpoo (lien flickr)

En parcourant les 30 meilleures photos de délabrement urbain de WDL, je me dis que la lumière joue un rôle capital dans une bonne majorité d'entre elles.

Observez ces photos, analysez les directions de lumière, ce qu'elles révèlent et ce qu'elles dissimulent.
Demandez-vous quelles sources pourraient remplacer la lumière du Soleil pour arriver aux mêmes effets.
Analysez les contrastes, débusquez les "fills" naturels, ces rebonds qui débouchent les ombres.

Si ces photos pouvaient être prises de nuit, comment les éclaireriez-vous? En imitant le Soleil ou en réinventant une toute autre atmosphère? Quelles stratégies, avec quels moyens, dans quel but?

Lire et interpréter la lumière globale d'une scène, qu'elle soit fixe ou mobile, dans la vie quotidienne ou au cinéma, c'est pour moi un exercice quotidien et captivant. Je vous encourage à le pratiquer assidûment ;-)

Tournage en Canon 7D

Extrait des rushes bruts, filtre de diffusion sur l'objectif, réglages gamma standard.

Je vous avais promis de poster des infos sur le tournage en Canon 7D.
Je viens de terminer la post-prod du film (un spot dans le domaine de la joaillerie).

Principaux problèmes rencontrés:
- l'appareil ne supporte pas bien la chaleur normale d'un plateau "tungstène". Il a réclamé une ou deux minutes de répit au cours de la journée, à quatre reprises;
- en mode gamma normal, les noirs s'avèrent légèrement bouchés si l'on n'y prend pas garde. Mieux vaut surexposer légèrement les zones sombres.
Pour répondre à Quentin ci-dessous, j'ai préféré ne pas recourir au mode "superflat" pour être en mesure de bien séparer les basses lumières. En superflat, on gagne peut-être en latitude, mais l'image laiteuse produite rend un peu plus difficile, en post, la séparation des noirs entre eux, et des blancs entre eux. Ce sont dans les extrémités de la courbe que l'expo est la plus délicate. Je préfère constater la séparation à l'oeil, sur le plateau, et exposer en conséquence.

A part ces désavantages mineurs, rien à signaler.
Il faut dire que je travaillais avec un assistant caméra (Kevin Haefelin) qui avait amoureusement accessoirisé et optimisé son Canon.

Deux critères m'avaient fait opter pour cette "caméra" plutôt que la RED: le budget et l'encombrement. La joaillerie retenue pour servir de décor était en effet trop petite pour permettre un recul suffisant.
Mais je tenais à tourner dans un format à profondeur de champ très réduite, parce que je voulais flouter autant que possible les murs de la boutique, qui n'étaient pas glamour du tout.

Dans la photo ci-dessus, la caméra était à 2 mètres du visage, et à seulement 3 mètres du mur du fond. Les objectifs et la taille du capteur étaient donc très adaptés à ce décor particulier.

Le reste des remarques que l'on peut faire sur un tournage avec ce genre d'appareil se trouve dans les commentaires de posts plus anciens.