27 avril 2008

Décadrages



On parle peu de l'importance capitale du cadrage, et on le remarque davantage quand il est inhabituel. Il est vrai que 98% des films sont cadrés sans grande imagination mais un film récent prouve qu'il peut contribuer à renforcer considérablement la tension dramatique.
Les images de "Cloverfield" mettent le cadre au premier plan, obligeant pour une fois le spectateur à le prendre en compte. 

Les effets de réel de "Cloverfield" dépendent en effet presque entièrement de la manière de manipuler la caméra. Décadrages, flous intempestifs, plans aléatoires, sous-expositions, balance des blancs approximative et mouvements de caméra dictés par les émotions plutôt que par la réflexion: tous ce que les pros s'interdisent est ici obligatoire. Prenant exemple sur ce que les amateurs surpris avaient filmé dans les rues de New York le 11 septembre 2001, l'équipe image du film démultiplie l'effroi du spectateur en laissant une grande partie de la terreur hors-champ ou dans le noir. Plus occupé à courir ou à s'abriter qu'à faire de "belles images", le vidéaste amateur du film n'anticipe rien de ce qu'il filme. De toute manière il n'a droit qu'à une prise. Tout au plus est-il conscient qu'il documente quelque chose d'essentiel.

Ces cadrages à la fois maladroits et touchants sont souvent au service d'effets brutaux, mais une séquence grave et calme fait exception - celle où l'un des jeunes doit apprendre à sa mère, au téléphone, que son frère est mort. Cette séquence dégage une émotion bien plus forte par le fait qu'elle est filmée de loin, avec pudeur, par son meilleur ami. Le cadrage reflète alors directement son déchirement intérieur. 

24 avril 2008

Débat "high key"



Le plateau TV du direct de Sarkozy est très éclairé: beaucoup de contre-jours puissants, des keylights pleine face, des décors aux couleurs très intenses, tout contribue à une sensation d'énergie, de gaité, mais aussi de spectacle lisse: en écrasant les rides et les reliefs des visages, les lumières frontales réduisent les faciès des participants à des surfaces colorées (pour ne pas dire peinturlurées: certains journalistes sont oranges ou ocres, trop d'UV ou de maquillage).
C'est un bon exemple de ce qu'on appelle le "high key": les intensités relatives du key light et du fill sont très proches. Résultat: contrastes très faibles, lisibilité maximale des mimiques.
C'est la lumière par excellence des comédies.

23 avril 2008

Surenchère de K


Vous êtes peut-être déjà au courant, mais RED va sortir en début d'année prochaine deux caméras et un player. Le tout en ultra haute définition:
- la Scarlet, 3000$ pour 3K
- la Epic, 35'000$ pour 5K
- le player 4K, à 1000$

Ces prix et ces résolutions me laissent pantois. Notre vie professionnelle va devoir s'adapter à ces nouveaux outils. Le piège à éviter: la course au K. De la même façon que la course aux mégapixels n'a duré qu'un temps en photo, celle à la résolution va bientôt devoir ralentir. D'autant plus que la retouche d'image (nécessaire en UHD parce que le plus beau des top models a l'air d'une montagne de points noirs et de poils disgracieux) requiert beaucoup de temps en post-prod, sur des machines de plus en plus chères.

17 avril 2008

Photons virtuels sur porcelets 3D




Cette image sera encore travaillée et intégrée dans un univers réaliste, mais elle donne une bonne idée de l'effet des lumières. Dans un univers 3D, la taille des sources influence très fortement leur puissance lumineuse.

Les projecteurs virtuels des univers 3D ont beaucoup d'avantages, dont celui d'être invisibles. Ils ne sont pas toujours faciles à comprendre pour un chef op traditionnel, parce qu'ils n'imitent que rarement des lumières naturelles. Ils sont plutôt optimisés pour éclairer rapidement des grands volumes, ou très ponctuellement des personnages dont ils suivent les mouvements.
Sur Maya, j'ai pu travailler avec mon collègue Marc Dubois pour l'aider à éclairer une équipe de foot de porcelets. L'image de l'équipe en couleurs n'est que provisoire: c'est un rendu rapide pour visualiser la lumière. L'équipe sera plus tard insérée sur un terrain de foot devant une ferme, avec une profondeur de champ réduite.
Pour les besoins de l'éclairage, nous avons créé un sol blanc réfléchissant, auquel nous donnerons par la suite une teinte légèrement verte pour faire exister la couleur de la pelouse sur les pieds des porcelets, et donc rendre le composite plus réaliste.

Les captures d'écran ci-dessus montrent les principaux éclairages mis en place:
  • un paravent cylindrique lumineux, qui projette une lumière douce (vu sa taille), et dont la fonction principale est de donner un niveau général "high key" joyeux
  • deux accents puissants en contre-jour, depuis la droite supérieure de l'image, pour donner du volume aux personnages (c'est le key light)
  • un "fill" de face, peu puissant, pour réduire les ombres résiduelles
  • notez aussi un petit projecteur placé tout près d'un des porcelets, pour lui donner à lui aussi un modelé intéressant

11 avril 2008

Khondji voit rouge



Le grand Darius Khondji vient de tourner une pub pour Old Navy avec la Red, et il apprécie visiblement beaucoup l'engin: "This new digital technology is sensational to work with. Surprisingly, it reacts closer to film. The workflow, along with the immediate response, makes the process of filmmaking more responsive and for most cases faster."

La pub (avril) et le making of sont visibles ici.

09 avril 2008

Vincent - décollage imminent



Alors que la première projection de "Vincent, le Magnifique" approche (le 25 avril à 20h30 au cinéma Atlantic de Lausanne, entrée libre, il y aura beaucoup de monde), vous pouvez déjà voir la bande-annonce online.
Pour ce film, mes références visuelles étaient le cinéma muet et son époque. L'histoire se passe dans un village crasseux de charbonniers, il y a un siècle. Aucun éclairage "moderne" n'a été utilisé: pas de kinos, ni de LEDs.
Caméra P2 équipée du Redrock.
Jetez un coup d'oeil: c'est ici.

05 avril 2008

Un court-métrage lumineux de Wong Kar Wai





Je reviens de la fnac les yeux tout écarquillés: sur un plasma de Philips, j'ai vu un court que Wong Kar Wai a réalisé spécialement pour ces écrans aurea. Mais peu importe la marque ou l'écran: la lumière du film est magnifique, et très contemporaine. Cliquez ici pour le voir, et choisissez l'option "See the film" puis "Full Screen".
Les images sont signées Philippe Le Sourd (IMDb).