3 caméras filment la même mire couleurs sous la même lumière: un exemple de la nécessité d'aligner les nouvelles sources LED avec ce que les capteurs des caméras en perçoivent réellement.
Confinement oblige, les annonces des nouveautés technologiques se font en ligne, à coups de Webinaires, Webcasts et autres IGTV. L'accès aux infos les plus fraîches ne nécessite plus la participation à des conférences distantes et hors de prix.
Dans les domaines qui nous intéressent, deux tendances lourdes se dégagent depuis quelques mois:
Je tente ici de faire un petit point d'étape sur cette deuxième tendance.
Alors que les arts graphiques avaient conçu voici des décennies diverses façons de contrôler le suivi des couleurs depuis l'écran d'ordinateur jusqu'à l'impression (CIELAB et autres standards), le cinéma numérique accuse encore un retard un peu honteux.
En effet, les couleurs perçues sur un plateau ne sont toujours pas, à l'heure actuelle, fidèlement restituables tout au long de la chaîne tournage > post-prod > display. La faute en incombe à un manque de coordination technique entre les fabricants:
Diverses unités de mesures existent depuis un certain temps déjà, mais les possibilités de corriger les aberrations restaient rares.
Parmi les unités de mesure, l'Indice de Rendu des Couleurs (IRC, page Wikipedia) évalue les écarts de perception des couleurs par un oeil humain en fonction de la source qui les éclaire. Le soleil ou un filament tungstène couvrent de façon linéaire toutes les longueurs d'ondes de la lumière visible, alors que certains HMI, de nombreux tubes Fluos et sources LED accusent des trous et des pics assez alarmants:
Dans les domaines qui nous intéressent, deux tendances lourdes se dégagent depuis quelques mois:
- l'arrivée massive d'objectifs adaptés aux grands capteurs,
- et une certaine standardisation de la restitution des "vraies" couleurs par toute la chaîne des outils techniques y compris, et c'est tout nouveau, sur les sources elles-mêmes.
Je tente ici de faire un petit point d'étape sur cette deuxième tendance.
Alors que les arts graphiques avaient conçu voici des décennies diverses façons de contrôler le suivi des couleurs depuis l'écran d'ordinateur jusqu'à l'impression (CIELAB et autres standards), le cinéma numérique accuse encore un retard un peu honteux.
En effet, les couleurs perçues sur un plateau ne sont toujours pas, à l'heure actuelle, fidèlement restituables tout au long de la chaîne tournage > post-prod > display. La faute en incombe à un manque de coordination technique entre les fabricants:
- de sources de lumière
- de capteurs
- de moniteurs/TV
- et des logiciels qui font dialoguer ces bestioles.
Diverses unités de mesures existent depuis un certain temps déjà, mais les possibilités de corriger les aberrations restaient rares.
Les mesures
Ces irrégularités ne peuvent pas se corriger avec des gélatines. Lorsqu'une couleur n'existe pas, elle ne peut être compensée. |
Constatant que l'oeil humain ne perçoit pas les couleurs de la même façon qu'un capteur de caméra, l'IRC a été complété par le Television Lighting Consistency Index (TLCI, page de définition sur EBU).
Tout récemment, les organismes qui notent la qualité des écrans ont même proposé la Just Noticeable Color Difference (JNCD) (voir ici l'explication technique et là une application concrète sur un écran de smartphone).
Le dernier-né de ces index? La Similarité Spectrale (SSI), qui mesure les écarts à la moyenne, lisse les pics et les creux, et pondère plus favorablement les longueurs d'ondes entre 380 et 670 nanomètres. Voir les précisions en fin de post, je crois que j'ai déjà un peu abusé de votre patience.
Les premières tentatives
Mais ces mesures n'ont pu que pointer du doigt les problèmes à régler. Les solutions en vue étaient encore peu nombreuses et disparates.
L'une d'elles consiste à combiner plusieurs unités LED entre elles - au sein d'une même source - pour jouer de leur complémentarité, et restituer une gamme chromatique plus fournie. Le MIX de Rosco DMG combine par exemple des unités de 6 LEDs différentes (rouge, jaune-vert, vert, bleu, ambre et blanc) pour arriver à approximer les couleurs du spectre.
Nicolas Goerg de Rosco DMG Lumière aborde cet aspect avec humilité dans cette toute récente interview confinée avec James Mathers - Digital Cinema Society (en anglais):
Nicolas Goerg de Rosco DMG Lumière aborde cet aspect avec humilité dans cette toute récente interview confinée avec James Mathers - Digital Cinema Society (en anglais):
Ce qui va changer
Les efforts d'amélioration étaient jusqu'ici peu coordonnés.
C'est la raison pour laquelle les annonces conjointes de KinoFlo, Rosco DMG Lumière, ARRI, Digital Sputnik et HS Scope, pour n'en citer que quelques uns, constituent un bond décisif dans la bonne direction.
Dans les grandes lignes, la vidéo qui suit résume bien ce qui est en jeu, c'est-à-dire non plus seulement mesurer, mais donner aux fabricants de sources d'éclairage les informations quant à ce que chacun des capteurs de différentes caméras perçoit du spectre lumineux de leurs éclairages. Construire un pont à double sens entre les caméras et les lumières. Corriger le flux lumineux des projecteurs pour qu'ils restituent fidèlement toutes les couleurs que le capteur est en mesure d'enregistrer.
Brad Dickson a mis au point ce qu'il appelle les "empreintes digitales" des sources lumineuses, en mettant en avant les différences de rendu des couleurs par rapport à une source tungstène de référence. Voici par exemple le rendu chromatique, sur un capteur d'ALEXA, d'un MIX (à droite) par rapport à une source tungstène de référence (à gauche). On constate - ce qui n'est de loin pas toujours le cas - une grande ressemblance entre les deux graphs.
Les fabricants de projos sont friands de ce genre d'informations, parce qu'ils peuvent ensuite ajuster leurs sources pour faire correspondre au mieux les gammes chromatiques (source et capteur).
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Dans les grandes lignes, la vidéo qui suit résume bien ce qui est en jeu, c'est-à-dire non plus seulement mesurer, mais donner aux fabricants de sources d'éclairage les informations quant à ce que chacun des capteurs de différentes caméras perçoit du spectre lumineux de leurs éclairages. Construire un pont à double sens entre les caméras et les lumières. Corriger le flux lumineux des projecteurs pour qu'ils restituent fidèlement toutes les couleurs que le capteur est en mesure d'enregistrer.
Brad Dickson a mis au point ce qu'il appelle les "empreintes digitales" des sources lumineuses, en mettant en avant les différences de rendu des couleurs par rapport à une source tungstène de référence. Voici par exemple le rendu chromatique, sur un capteur d'ALEXA, d'un MIX (à droite) par rapport à une source tungstène de référence (à gauche). On constate - ce qui n'est de loin pas toujours le cas - une grande ressemblance entre les deux graphs.
Les fabricants de projos sont friands de ce genre d'informations, parce qu'ils peuvent ensuite ajuster leurs sources pour faire correspondre au mieux les gammes chromatiques (source et capteur).
Les HS Scopes (Hue = Teinte Sat = Saturation) sont élaborés sur la base du vecteurscope, ce quadrant qui indique la distribution des couleurs en terme de saturation.
En filmant une mire éclairée par une source donnée (ci-dessous une source tungstène), on élabore son profil (les crêtes en blanc dans le screenshot ci-dessous). Partant de ce profil, le fabricant de sources va calibrer ses LED pour approcher au plus près ce profil de référence. Sa source sera donc en mesure de restituer toute la richesse chromatique d'un bon vieux projo tungstène:
Voici les explications (en anglais) de Brad Dickson sur sa proposition de HS Scopes:
La comparaison des rendus chroma en fonction des caméras va enfin synchroniser les fabricants de sources, de capteurs et de logiciels de post-traitement.
Un autre exemple, cette fois sur un capteur RED Epic-W:
Certains fabricants de sources parlent désormais de véritables "LUT pour projos". C'est-à-dire une torsion des matrices luma/chroma pour aligner les valeurs de la source à celles que le capteur perçoit.
Posts des tests comparatifs sur le forum CML.
PDF du communiqué de presse de KinoFlo sur les LUTs qui s'adaptent aux caméras utilisées, "True Match".
PDF du communiqué de presse de KinoFlo sur les LUTs qui s'adaptent aux caméras utilisées, "True Match".
PDF Brochure des spécifications des DS3 de Digital Sputnik, qui mentionne le recours à des LUTs corrigeant chaque "ampoule" pour garantir des couleurs stables lorsqu'on en varie la luminance.
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Et puisque vous êtes toujours là (merci!), un petit supplément sur l'index SSI dont j'ai parlé plus haut:
Cet index mesure la déviation d'une source (sa variance) par rapport à une source tungstène de référence. Contrairement au HS Scope, il évalue l'ensemble des variations en une seule valeur.
Le SSI est plus sévère que le CRI, mais les chiffres s'interprètent différemment: un SSI de 90 est jugé bon, alors qu'un Keylight avec un CRI de 90 n'est pas très rassurant.
Et enfin pour terminer (c'est le dessert!), la mire couleur du début de ce post, mais cette fois filmée par la même caméra, et éclairée par quatre sources différentes:
En haut de chaque carré de couleur, la référence tungstène.
En bas: à gauche et au centre, deux sources différentes qui ont toutes les deux un SSI de 76 (76A et B).
En bas à droite, une source avec un SSI de 88.
On constate que le SSI supérieur qualifie une source plus fiable à travers tout le spectre visible.
Rappelons-nous que tous ces index ne vaudront jamais un test de visu, juste avant le tournage.
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