30 novembre 2011

Repérages virtuels

Pendant plus d'un siècle, le travail préparatoire d'un film impliquait de nombreuses réunions, et les repérages s'effectuaient nécessairement dans le monde réel, avec déplacements et nuits d'hôtel.

Mais depuis quelques années, j'aime prendre un peu d'avance et préparer le terrain en recourant aux divers outils que le web ou les applications mobiles offrent aux chefs op un peu geeks.

Vues d'ensemble

Je commence en général par Google Maps, en m'approchant du décor par le plus de chemins possibles, au ras du sol et dans les vues en plan et à 45°.
En quelques minutes je trouve des réponses ou des pistes sur les questions primordiales comme:
  • les accès au sol: possibilités de parking, sens uniques, cours intérieures, places à venthouser;
  • la longueur des lignes depuis le groupe électrogène;
  • les immeubles les plus récents du bloc, pour y prévoir un branchement forain;
  • les accès sur les toits environnants, et le positionnement de sources en face du décor.
    C'est aussi un moyen de trouver des solutions d'éclairages en déport depuis le toit de l'immeuble où on tournera.
    Les extérieurs nuits sont plus faciles à préparer en vue d'oiseau: la courbure des rues vous indique si un immeuble fera de l'ombre sur la partie de la rue que vous visez depuis un toit à 50 mètres;
  • les vues depuis le décor, et les découvertes probables (ce qu'on apercevra depuis les fenêtres);
  • le mode Street View donne également une idée de l'état du sol, à communiquer au chef machino pour les calages de travellings;
  • et enfin, je promène le petit bonhomme jaune autour du décor pour découvrir les photos "panoramio" que les visiteurs du lieu ont postées. Il m'est arrivé de trouver des angles intéressants, sur des décors inconnus et distants, et de les proposer au réalisateur qui les intégrait au storyboard, tout ceci avant même d'y poser réellement les pieds.
La course du Râ

On ne compte plus les programmes qui illustrent la course du soleil. J'en utilise un sur iPad qui s'appelle Sun Seeker. Il superpose les positions du soleil sur des vues du ciel, ou en 3D sur le décor existant, via la caméra de l'iPad. Et ceci n'importe où sur Terre, à n'importe quel moment.
J'ai ainsi pu planifier un tournage en montagne en fonction des angles d'illumination qui m'intéressaient - lumière latérale pour les plans larges et en contre-jour pour les gros plans. En un clin d'oeil, je savais que je pouvais commencer la journée par les plans serrés.



De la même façon, lorsqu'un autre réalisateur m'a donné le nom de la bibliothèque dans laquelle il souhaitait tourner, je lui ai conseillé d'y tourner le matin étant donné que je cherche des contrastes et un effet d'éblouissement sur l'un des deux comédiens:


Vous me direz que le soleil se lève toujours à l'Est. C'est vrai. Mais plus encore que la direction des rayons, c'est leur angle de pénétration qui m'intéresse, directement déductible de l'azimut. Dans la photo ci-dessus, la valeur de l'azimut nous permettra d'atteindre les protagonistes, assis au milieu de la bibliothèque, jusque vers 10 heures du matin. Amplement suffisant pour les plans larges.

Collaborer, partager, échanger, corriger, publier

Travailler online ne s'arrête pas là. 
Que ce soit avec mon Chef Electro ou mon 1er Assistant, nous mettons rapidement au point des listes techniques en ajoutant et modifiant en temps réel des informations sur des tableurs.

Les listes techniques pourraient tout aussi bien circuler par mail, mais il deviendrait alors rapidement impossible de savoir qui dispose de la dernière version, et quels postes ont été modifiés, par qui et quand.

Les Google Docs nous permettent de travailler tous ensemble et en même temps sur un même document, en temps réel.

Je vous montre un exemple d'une liste lumière pour un tournage récent, majoritairement Tungstène - en studio. C'est un film de science fiction. J'ai proposé à mon Chef Electro, Christophe Persoz, de chefoper les écrans verts et les extérieurs, tandis que je prenais en charge les décors en studio. C'est donc une liste lumière qui reflète les besoins de 2 chefs op, et de 2 chefs électros. Imaginez le nombre d'échanges de mails qu'il aurait fallu pour arriver à la liste finale.

Voici la liste, composée en l'espace de 15 jours, au gré de nos emplois du temps passablement chargés. J'en ai fait une page web figée, mais l'original était modifiable jusqu'à la dernière minute. 
Tant qu'une liste est provisoire, nous ne la publions pas aux loueurs. Lorsque le Chef Electro et moi la jugeons optimale, nous l'indiquons en vert, en haut à droite, avec la date de complétion. Les loueurs peuvent alors y accéder, et noter leurs remarques - ou réagir par e-mail.
J'ai effacé les numéros de portables de l'équipe, mais pour le reste vous voyez la liste définitive.

Dans la mesure du possible, je me constitue un dossier par film dans Google Docs. Y figurent en général les différentes versions du scénario, les photos des comédiens et des repérages, des mindmaps, des schémas que je dessine et que je scanne, et bien sûr la Bible - tous les contacts de l'équipe.

Comme ces documents ont accessibles sur toutes les plateformes fixes ou mobiles, et que Google propose un mode "hors connexion" pour les régions sans wifi  ni 3G, je dispose de toutes les informations où que je sois.
Entre deux tournages, j'utilise intensivement Evernote pour collecter des références visuelles et des notes, dès qu'une idée me traverse l'esprit.

Epilogue

Les repérages virtuels bien faits comportent naturellement aussi les adresses des bons bistrots du coin. Mais là par contre, rien ne vaut une visite en "live".

29 novembre 2011

Lubezki remporte sa première récompense pour "The Tree of Life"

Le New York Film Critics Circle vient d'attribuer ses lauriers, et ils donnent en général le ton pour les Oscars.
C'est Emmanuel Lubezki qui a remporté le titre de Best Cinematographer avec "The Tree of Life".

Le reste du palmarès augure du meilleur pour "The Artist": http://www.nyfcc.com/awards/