24 novembre 2012

Kaminski s'explique




Alors que bon nombre de chefs op affirment adapter leur esthétique en fonction de critères extérieurs (scénario, références données par le réalisateur, univers créé par la déco, ...) les choix esthétiques de Janusz Kaminski, tout comme ceux de Robert Richardson d'ailleurs, reposent avant tout sur leur goûts personnels.
Kaminski s'en explique dans un exercice intéressant proposé par le magazine Vulture: commenter ses 10 plans préférés.

Comme il le résume lui-même:
"It's a big palette, the movie screen. I dare to compare myself to painters, but I just have a bigger canvas to adapt to. If you don't like my painting, don't see the movie, you know?"

Ce lien vous mène sur Vulture: http://goo.gl/Af8Uf

D'après la bande-annonce de Lincoln, il recourt à de nombreux contre-jours, dont certains particulièrement risqués: la fumée omniprésente révèle parfois des sources placées au sol, ce qui est incongru pour un film d'époque.

Ma question: pourquoi n'osons-nous pas prendre ce genre de libertés?
J'ai 2-3 idées:
1) la peur du regard des confrères: "on sent tes sources", "c'est pas professionnel";
2) les moniteurs sur le plateau, qui permettent à chaque membre de l'équipe de donner son avis (il se trouve toujours quelqu'un pour signaler au réalisateur qu'on devine une source ou que les couleurs sont "bizarres");
3) le respect des conventions.

Sur votre prochain film: lâchez-vous. Tentez une manoeuvre inusitée. Un dérapage contrôlé. Et assumez sereinement le résultat.

En plus de révéler des sources froides - alors que les appliques dégagent une lumière chaude - le fog présent sur le plateau révèle une source droite cadre, placée au sol et masquée par un comédien. Cette source permet à Kaminski d'éclairer l'orateur debout. 


14 août 2012

VLS - la suite

Le Virtual Lighting Studio dont je vous parlais il y a quelques mois a été bien étoffé depuis son lancement. D'autres visages ont été ajoutés, pour varier les difficultés: le jeune chauve a maintenant un frère jumeau chevelu, et une jeune femme et un Noir ont rejoint la galerie.

Je me suis amusé à éclairer le Noir avec des décros froides en les équilibrant avec un Key plus chaud,  et un Fill neutre qui s'ajoute à la lumière ambiante froide, sous-ex de 4 EV.
Parmi les nouvelles fonctionnalités, le partage des setups, que ce soit sur les réseaux sociaux ou comme fichier à enregistrer.
Lorsque vous désirez enregistrer un setup, vous cliquez sur l'un des carrés de la marge de droite. L'icône du lien vous permet de partager votre setup online. Par exemple, les réglages pour l'éclairage ci-dessous sont à votre disposition ici. J'imagine que si l'un d'entre vous rectifie ces réglages tous les autres verront ensuite les réglages rectifiés.

Le même modèle. Pour expérimenter avec les éclairages, j'aime bien me raconter une histoire, et contextualiser le personnage. Par exemple ici un extérieur nuit, dans un no-man's land, avec un réverbère sodium.
Je trouvais l'intensité réaliste du réverbère trop forte. C'est donc ici plutôt une lumière mentale que réaliste.
Effet renforcé par l'absence de reflet lumineux dans les yeux, ce qui isole le personnage dans ses pensées.
Il y a beaucoup à apprendre en jouant avec les lumières sur ce site.
Je vous propose de m'envoyer [montjo (at) gmail.com] des screenshots de vos résultats les plus probants, avec un commentaire sur les principaux parti-pris (ambiance recherchée, difficultés rencontrées, plan d'éclairage). Je les publierai ici.

11 juillet 2012

Contrôle des contrastes: les sols mouillés




J'ai pris ces deux photos à quelques jours d'écart.
L'image du bas est sans doute plus graphique et plus "pêchue", même si l'étalement de l'eau n'est pas régulier.
Il est frappant de constater à quel point la lumière du ciel pénètre profondément dans l'obscurité du tunnel.

Les rues nocturnes, les sols dans de grands intérieurs sombres, sont parfois trop ternes ou trop mats pour les besoins de la séquence. Construire des images requiert alors une gestion spéciale des contrastes, qui passe par exemple par l'humidification des sols.

Face aux brillances, les réflexes conditionnés des chefs op vont dans deux sens contradictoires.
En intérieurs, si un mur ou une porte "brille", on saute sur le spray matifiant.
Alors que lorsqu'une séquence commence par "Ext. Nuit - Rue" on appelle la régie pour faire briller l'asphalte en la recouvrant d'eau, sans même avoir été en repérages à l'endroit prévu.

Au-delà des recettes et des conventions, contrôler les brillances c'est opérer des choix radicaux qui affectent le climat d'une séquence. Les routes humides réfléchissent en effet plutôt le ciel et les lumières nocturnes, ce qui donne une importance énorme - dans la hiérarchie de l'image - à un endroit où l'oeil ne se pose pas d'habitude, le sol. La coloration spéciale des sols mouillés, leur clarté qui souvent les rend plus lumineux que le reste de l'image, permet de silhouetter les comédiens et les figurants, qui n'ont alors pas besoin de beaucoup plus de lumière pour s'imposer.



Une fois que les surfaces sont humidifiées, les sources doivent être positionnées et accessoirisées avec beaucoup plus de soin que si le sol était mat. 

Il importe de comprendre l'angulation des lumières, en considérant le sol comme un miroir. Les plongées sur le bitume révèlent des sources haut placées, hors champ, qui doivent être précisément positionnées et contrôlées.

Les sources étant visibles, il faut également se poser la question de leur forme apparente. Pour alterner harmonieusement les surfaces larges, les lignes et les points lumineux, on recourt à des sources plus ou moins larges, ou à de grands diffuseurs - ou réflecteurs.

Il faut enfin tenir compte du fait que la réverbération donne de l'importance aux sources même lointaines. Si le sol était mat, la source devrait être placée plus près de l'aire de jeu pour avoir de l'effet, alors qu'une fois le sol mouillé, c'est le reflet de la source elle-même que l'on perçoit, et non plus les effets de son faisceau.

Cette distinction est importante lorsque l'on filme des surfaces brillantes comme des carrosseries de voiture par exemple. Les reflets des sources y dessinent des formes, tandis que les faisceaux des mêmes sources, placées plus ou moins près de la carrosserie, en révéleront plus ou moins les couleurs.

J'y reviendrai avec un exemple concret.

Les 3 photos de Las Vegas sont © 2011 Peter Kun Frary 

10 juillet 2012

The Kick, un gagdet bien étudié




Vous avez peut-être déjà vu la campagne Kickstarter pour le financement du "Kick". Annoncé modestement comme un petit projecteur pour réussir ses photos sur iPhone, cette source à LEDs nous vient de Norvège et concentre des innovations qui pourraient en faire un prototype des éclairages de demain: pilotés par wifi au travers d'interfaces très intuitives, il propose des fonctionnalités bien pratiques.
L'une d'elles est sa faculté de s'adapter automatiquement à la dominante de couleurs présente dans la pièce, ou à l'un des sujets filmés (un visage, un mur, un vase). L'autre est de pouvoir reproduire, en temps réel et en synchro parfaite, la chroma et la luma d'une séquence de film. Sur le petit film de démo, le flicker et les couleurs du feu sont assez bluffants. Bien plus convaincants que les flickerbox traditionnelles.
Les techniques ne sont pas nouvelles. Philips avait eu recours au système pour "élargir" l'image de ses téléviseurs en colorant les murs de la pièce de la même dominante que les bords de l'image du plasma.

Bien sûr, les LEDs ne sont pas encore des sources parfaites, et les éclairages à plasma pourraient bientôt les supplanter, que ce soit en termes de coûts, d'indice de reproduction des couleurs et de déclinaisons possibles.
Mais il y a dans ce Kick des idées qui court-circuitent les solutions professionnelles (type DMX), et qui inspireront sans doute les Arri et autres Rosco.
Présentation du projet sur Kickstarter

Site officiel:
http://riftlabs.com/

09 mai 2012

Test comparatif de caméras - Zacuto montre l'exemple

Je prépare un grand test avec les principales caméras 2K+ (Alexa, EPIC, Penelope, JVC) et les derniers modèles HD (C500, F3, Canon 5D Mark III, etc.). Un test qui a pour objectif non seulement de comparer les performances des capteurs, mais aussi de montrer comment, en s'adaptant aux limites de chaque caméra, il est possible de générer des images très acceptables. Après tout, c'est le travail du chef op. J'aimerais mettre l'accent sur les possibilités de "monitoring" des valeurs luma et chroma pour chaque caméra, ainsi que les pièges à éviter tout au long du workflow jusqu'au DCP. 
Ce test sera réalisé cet été, à Paris ou en Suisse. Il est possible qu'il devienne public. Je vous tiendrai au courant.

L'année passée, Zacuto et Kessler avaient réalisé un grand test avec les caméras du moment. L'EPIC n'était pas encore sortie, ni le S-Log pour la F3 ou le Cinestyle de Technicolor pour les Canon, mais l'essentiel est bien là. Ce test m'avait échappé, et même s'il date un peu je vous recommande de regarder attentivement les 3 épisodes que j'ai encapsulés à la fin de ce post.













Cette année Zacuto reconduit l'expérience, avec une approche un peu différente. RED a déjà annoncé qu'elle ne souhaitait pas participer à ce qu'elle estime être une série de tests purement techniques. Une attitude peu compréhensible, d'autant plus que les tests 2011 comprenaient des projections en 2K devant des professionnels, qui jugeaient également au feeling.

Au banc d'essai 2011: Négatif 35mm Kodak 5213 et 5219, Arri Alexa, RED ONE M-X, Weisscam HS-2, Phantom Flex, Sony F-35, Sony F3, Panasonic AG-AF100, Canon 5D Mark II, Canon 1D Mark IV, Canon 7D et Nikon D7000.
Screengrabs & Films © Zacuto 2011

18 avril 2012

Eclairage d'un visage - le Virtual Lighting Studio

Sur certains tournages, mes doublures lumière sont des têtes de mannequins que je dispose à la hauteur des comédiens.

Eclairer un visage est une des choses les plus délicates.
Les paramètres sont nombreux: morphologie, ossature, sexe, grain et dominante de la peau, "défauts" à cacher et "qualités" à révéler, climat de la scène, temps à disposition, patience des acteurs, etc.
A cela vient s'ajouter le facteur psychologique - la relation humaine entre un chef op et un comédien.

Mais si l'on en reste à la simple physionomie, un visage est une sorte de cylindre mat, plus ou moins clair, plus ou moins "accidenté" dans lequel sont enfoncées deux sphères réfléchissantes.
En général on n'éclaire pas de la même manière des surfaces mates et des surfaces brillantes. Les nombreux éclairages doux, nécessaires à "rajeunir" ou embellir certains visages, se voient en réflexion dans les yeux et rendent le regard un peu flou - l'idéal étant qu'une seule lumière, en général le keylight, se reflète dans les yeux.

Sur l'affiche d'Iron Lady, on pouvait clairement distinguer huit sources différentes dans les yeux de Meryl Streep:



Doser les lumières qui entourent un visage relève bien souvent de la haute voltige, et certains chefs op sont connus pour être particulièrement compétents dans ce domaine.

Il existe quelques livres sur le sujet, mais rien ne vaut la pratique, ou du moins une interaction immédiate entre le choix des sources, leur positionnement, puissance, taille et couleur, et le résultat sur un sujet précis.

C'est désormais chose possible grâce à Olivier Prat, qui a développé un site online dédié à l'éclairage d'un visage, le Virtual Lighting Studio.
Doté pour l'instant d'un "modèle" à la mine un rien patibulaire, il permet d'allumer et d'éteindre des sources, de les positionner, de les colorer et diffuser, et d'en choisir la puissance. Puis de mémoriser les looks dans la marge de droite.

Le modèle est pour l'instant chauve et blanc.
Diverses pigmentations et pilosités sont à l'étude.
Cet outil vous permettra d'acquérir les bases et de tester rapidement quelques hypothèses audacieuses, comme des Fill colorés par exemple, même si l'éclairage de cinéma mobilise en réalité bien plus d'outils (mamas, drapeaux, scrims, réflecteurs, lentilles, etc.).


Vous pouvez également afficher un plan qui vous montre la disposition de vos sources autour du visage.



Le VLS, c'est par ici: http://www.zvork.fr/vls/

Merci à Ludovic Matthey pour le lien, et à Olivier Prat pour ce site qui deviendra rapidement indispensable.

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J'ai voulu aller un peu plus loin en demandant quelques précisions à Olivier Prat:

"VLS est né de la volonté de démontrer mon savoir faire dans le domaine de l'image et de mon goût pour la photo et la lumière combiné avec une solution technologique simple, que j'avais déjà développée il y a quelques années avec un collègue.
La volonté est vraiment de fournir un outil gratuit et simple à la communauté avant de peut être pouvoir en retirer un profit sous une autre forme. 
Il a été inspiré par ces logiciels d'édition de layout de lumière avec vue de dessus schématique et de quelques sites didactiques sur la lumière qui montrent les effets de certains types d'éclairage.
Tout ça est un peu vague car il y a un peu de réflexion et beaucoup d'inspirations extérieures et d'instinct dans cette idée :-) Et comme souvent, c'est aussi car la technologie le permet depuis peu de temps.
Je suis vraiment ravi que les gens se l'accaparent."

"Rien ne remplace l'interactivité pour ce qui est de l'apprentissage. Le mieux étant bien sur de manipuler physiquement les choses mais cela demande plus de moyens et de temps. 
Il y a d'ailleurs un organisme de formation aux métiers des médias situé en Australie qui m'a contacté pour savoir s'il pouvait utiliser l'outil dans le cadre de leur formation. Donc j'ai l'impression que ça répond à un besoin de ce côté-ci, ce qui est vraiment encourageant."

13 avril 2012

Couleurs ou subtilité: un dilemme européen?



C'est en tombant sur ce beau mini docu slowmo sur le festival indien des couleurs que j'ai eu envie d'aborder ce sujet avec vous.

Je sors d'un tournage d'une fiction où les couleurs jouaient un rôle important. Je me suis posé beaucoup de questions sur le bien-fondé de certains de mes choix - avant, pendant et après le tournage.

Pas évident, en Europe, de jouer avec les couleurs de façon décomplexée. A part certains chefs op espagnols (Juan Ruiz Anchia) ou polonais (Slawomir Idziak), peu de confrères prennent le parti de jouer avec les couleurs dans toute leur expressivité. Vittorio Storaro explore depuis longtemps ce territoire, mais il évolue sur des plateaux où ses choix, du fait de sa notoriété, ne prêtent plus à controverse. 

Nos réflexes et notre culture de l'image nous poussent à la prudence. Au point que je dois me méfier de mes propres réactions face aux rushes. Je me surprends à penser qu'il serait sans doute "de bon goût" de désaturer en post. 

En attendant d'autres captures d'écran, voici deux images:

Tirée de "La Double vie de Véronique"chefopé par Idziak, c'était la référence couleur pour quelques séquences du film. Le parti-pris, choisi avec le réalisateur, était d'allouer des couleurs plutôt froides au décor et des couleurs chaudes aux personnages. 

Et voici une image tirée des rushes. La séquence comporte également des plans de face, qui raccordent avec celui-ci:

Les extérieurs sont plus ou moins intensément verts, en fonction de l'état mental du personnage.
















L'histoire tourne autour d'une fille très possessive envers sa mère. C'est un film plutôt "mental", où les choses sont vues à travers le prisme déformant de la fille.

En fonction des choix d'étalonnage, les couleurs pourraient varier légèrement, sans pour autant changer d'intensité. Par exemple, moins de jaune dans certains verts pour éviter une saturation visuelle:

Photo de contrôle en vue de référence pour l'étalonnage.
La palette chromatique était la suivante: 
- Lime et Lavender pour les décors; 
- Berry Blue pour tout ce qui était rocheux;
- Et deux ambres pour les personnages: Medium Amber pour la fille, et Dark Amber pour sa mère.

Les couleurs étaient souvent combinées par paires. Elles ont été choisies pour sembler harmonieuses en combinaisons par deux ou trois.

Certaines séquences comportaient des blancs (neutres), souvent dans les contre-jours, pour stabiliser la perception des couleurs, en fournissant une base de référence. 

Photo de plateau prise avec un iPhone.
La comédienne descendait la pente, éclairée en contre-jour.
La source derrière le pont pouvait être un éclairage urbain.
Du moins c'est l'histoire que je me suis racontée pour le justifier.
De jour, donner une couleur au ciel peut s'avérer compliqué. 
Dans quelques séquences, pour verdir les extérieurs, je déréglais les verts de la caméra, et je les compensais sur les visages en ajoutant un Full Minus Green sur les sources. Ca fonctionnait très bien.

Et vous: quelle est votre degré d'audace en matière de couleurs?

12 avril 2012

Coup de blues chez les chefs op

Le passage de l'argentique au numérique a dépossédé les chefs op d'une bonne partie des prérogatives sur les images qu'ils créent pendant le tournage.

Une dizaine d'entre eux ont confié leurs angoisses professionnelles à Madelyn Most lors du dernier Camerimage. Les mots "danger", "compromission", "peur" sont plus nombreux que "contrôle" ou "progrès".

Stephen Goldblatt:
"Whether we love film for the romance, the texture, the emotion, IT’S OVER."
"It doesn’t have to be a bleak future, we can also influence it, but you must speak up or expire."

Le mot de la fin (Oliver Stapleton) est plus fataliste:
"The power will go out of the eye of the cinematographer and into the hands of ten other people who think they have something to say about the way the picture looks. 
It is The End of an era, but it’s not a reason to jump off a cliff."

Le site de l'AFC a traduit certains de leur propos: http://goo.gl/MCj26

Le PDF complet, en anglais: http://goo.gl/qLnO4

15 mars 2012

La grande époque des "flares" discrets


En revoyant quelques plans de "Close Encounters of the Third Kind" (Spielberg 1977), je me suis dit qu'il y avait une grosse différence entre les flares d'autrefois et ceux d'aujourd'hui. Ca tenait sans doute à une certaine élégance, une façon discrète de les assumer sans les surligner.

Ceux des années 70 et 80 étaient rares parce que considérés comme des erreurs graves, à moins que la source ne soit dans le champ.
Heureusement les diktats stylistiques se sont assouplis: de nos jours un chef op peut recourir au "flare" sans risquer la chaise électrique.

Aujourd'hui c'est même l'extrême inverse: les éblouissements ne sont plus seulement tolérés mais de rigueur, en tournage et en post. C'est parfois compréhensible, comme dans le dernier "Star Trek". Et souvent "à côté de la plaque" comme dans la majorité des films, des clips et des pubs qui sortent depuis 2 ans.

Méfions-nous de ces modes. Ces images maniérées vieilliront beaucoup plus rapidement que celles qui sont élaborées avec un souci de cohérence et de retenue.
L'année dernière, J.J. Abrams voulait rendre hommage aux films des années 80 en truffant son "Super-8" de flares. Il est passé doublement à côté de son objectif: ses effets étaient à la fois vulgaires et anachroniques.
Excusez ce léger mouvement d'humeur.

Malgré les souvenirs de certains, il y a finalement peu de flares dans Blade Runner. Ce sont plutôt des halos autour des hautes lumières qui signalent une atmosphère chargée de particules.

Peu ou pas de flares dans le trailer de Prometheus.

Serions-nous en train de sortir d'une époque de "flaring" forcené? 

Pour finir avec un sourire:

13 mars 2012

Rousselot se livre

"Je n’aime guère préparer les films, ce sont pour moi de longues semaines où je m’ennuie, et où tout problème me paraît insurmontable. Les story-boards me tombent des mains, tous les décors vus en repérage me semblent impossibles à éclairer. Je trouve les semaines de préparation anxiogènes.
Je rêve d’un film où je ne serais engagé que le premier jour de tournage, et sans avoir même eu à lire le scénario."

Dans la dernière lettre de l'AFC, Philippe Rousselot se livre à des réflexions sur son parcours, son métier, sa philosophie du travail. S'il semble traverser une période neurasthénique - le texte reflète une lassitude, une soif de renouvellement, une quête impossible de relations humaines moins convenues et hypocrites - on en apprend beaucoup sur ce qui traverse l'esprit des gens de la profession. 

Le texte se trouve ici, sur le site de l'AFC.

27 février 2012

Oscar numérique

Signe des temps, c'est dans le futur-ex Kodak Theatre que Robert Richardson remporte l'Oscar de la meilleure photo avec "Hugo", un film tourné en Alexa.
Le style du film est intéressant sur deux points: sa palette de couleurs très réduite, à peu près identique d'ailleurs à celle de "Drive". Et ses contre-jours violents, typiques de Richardson, qui boostent le relief.

Dans le cinéma traditionnel en 2D, l'une des fonctions principales de la lumière est de séparer les plans en les contrastant les uns par rapport aux autres. Que ce soit par des différences de netteté, de luminosité, de couleurs ou de mouvement, on fait ressentir au spectateur la profondeur de l'image, les positions des personnages dans l'espace et on hiérarchise les composantes de chaque plan. 

Le relief n'oblige plus les chefs op à séparer les plans en profondeur avec autant d'ardeur. 

Mais Richardson a décidé de ne rien changer à la formule qui a fait son succès, et ce parti-pris lui vaut son 3ème Oscar, après "JFK" et "The Aviator".

Longue Interview bien détaillée de Richardson, post-Oscar, parue dans Film & Digital Times.

24 février 2012

Levée de fonds pour "Permission"



Je profite de l'audience distinguée ;-) de ce blog pour répercuter un appel à du "crowdfunding" pour un court-métrage qui me tient à coeur.
Il s'agit d'un film intitulé Permission, adapté d'une nouvelle d'Anna Gavalda, avec le soutien enthousiaste de l'écrivain.
J'ai travaillé sur les images du film en novembre dernier, et il arrive actuellement en fin de post-prod.
L'extrait-ci-dessus vous donne une idée du ton du film.

Le réalisateur Nicolas Wilhem est un véritable marathonien: il avance imperturbablement vers son but, en soignant chaque étape du parcours. Sa préparation méticuleuse du film a fait gagner à toute l'équipe un temps considérable, et son instinct de ce qui "sonne juste", que ce soit le placement de la caméra ou le jeu des acteurs, garantissait qu'on obtienne in fine le Best Of de chaque situation.
Pour boucler le budget de post-prod - il a déjà mis pas mal de billes dans son film - il lance une souscription sur Ulule.
Je vous invite à y verser votre obole. Même quelques euros. Ca vaut le coup, croyez-moi.

Je reviendrai sur les principales options lumière de ce film dans quelques semaines.

http://fr.ulule.com/permission/

Chaque plan du film était minutieusement décrit.
Cette page concerne l'un des plans de la séquence qui figure en haut de ce post.

27 janvier 2012

Cours lumière

Rush brut tiré des exercices du dernier cours.

Le dernier cours lumière s'est déroulé sur deux jours très intenses et motivants.
Je reçois de plus en plus de sollicitations de la part des lecteurs de ce blog pour organiser d'autres cours, ce qui me fait évidemment très plaisir.
Or, je travaille beaucoup et les cours ne peuvent constituer qu'une petite partie de mon temps. Mais je note vos demandes, et dès qu'une opportunité se présente, je donne volontiers un cours profilé selon vos attentes (région, durée, niveau).
Je vous conseille de m'envoyer un mail (cf. mon profil, dans la marge de droite) avec vos coordonnées, la région dans laquelle vous seriez prêt à vous déplacer pour suivre un cours, et votre degré de connaissance de la lumière: débutant, avancé ou pro.

Mentionnez les mots "cours lumière" dans le sujet ou le corps du message.

Pour votre info, un tel cours demande la mobilisation de pas mal de matériel (caméra, moniteurs, projecteurs, studio) et deux personnes. Il est rentable dès qu'un seuil de 15 personnes est atteint. Coût par participant entre 300 et 500 euros, selon la durée et le nombre de participants.

Le prochain cours sera sans doute parisien.

04 janvier 2012

Lumière texturée

Les aplats de lumière peuvent être intéressants - ou pas. Lorsqu'elles sont étales, ces grandes surfaces lumineuses (généralement les sols ou les murs) évoquent une idée de pureté, de limpidité. Mais elles véhiculent également une certaine froideur, ou à tout le moins une rigueur clinique et/ou technique.

Lorsque la séquence exige d'instaurer un climat plus organique, plus vivant, j'aime bien "polluer" ces grandes surfaces en accidentant la lumière avant qu'elle n'atteigne sa cible. Pour ce faire j'utilise des matières et des obstacles qui texturent la zone éclairée.

La lumière qui nous entoure est fréquemment accidentée, sans que nous y prêtions réellement attention.

J'ai saisi l'un de ces moments l'autre jour, pour le partager avec vous. Voici un mur tel que je l'ai vu:



Comme vous le constatez, les motifs projetés sur le mur enrichissent une image qui aurait singulièrement manqué de caractère. Si la séquence impliquait par exemple un échange assez vif entre plusieurs personnes assises, avec une caméra mobile, ces textures ajouteraient de l'énergie à la scène. Alors qu'un mur étale aurait plombé l'ambiance.

Si l'on observe comment cet effet est créé "naturellement" en se tournant à 180° vers la baie vitrée, on aperçoit deux sources lumineuses de puissance inégale - les réflexions du soleil sur un pare-brise et un capot - et un obstacle, le store pas entièrement baissé qui fait office de "mama" et de diff.
Le store dessine la ligne horizontale sur le mur, et les rebonds de la lumière sur les surfaces convexes éclatent la lumière dans des directions aléatoires.


 
Bien entendu, ces textures assez affirmées ne conviennent pas à toutes les surfaces. J'ai évoqué cet exemple pour illustrer le concept, mais j'utilise généralement des dispositifs qui texturent plus en douceur. Comme ceux qui imitent le vieux verre inégal qui équipait les fenêtres des anciens immeubles.

Lorsqu'ils sont utilisés avec parcimonie, ces effets rendent de grands services: ils restent discrets, leur effet sur le spectateur est subliminal, mais s'ils manquaient la mise en lumière ne serait pas complète.

Les comédiens qui traversent ces accidents de lumière semblent davantage "collés" au décor, et leurs mouvements sont accentués par les irrégularités qui glissent sur leurs corps en sens inverse.

C'est un bon moyen d'ajouter une pincée de réalisme dans une mise en lumière trop "proprette", par exemple dans un studio où l'on reconstitue un décor d'appartement.




En réponse à une question de Paul, je complète ce post par un volet pratique:


Pour recréer un phénomène de diffraction lumineuse comme le vieux verre, il faut considérer deux ou trois paramètres:
- la distance de votre source à "l'obstacle" (obstacle = élément qui permet de texturer la lumière)
- la nature de la source
- la distance entre votre "obstacle" et le décor
- la composition en strates de l'effet désiré

La distance et la nature de la source vont directement influencer l'aspect final: dans le cas du vieux verre, l'effet ne fonctionnera que si la source est de taille réduite. Une source large (donc douce) ne produira aucun effet de diffraction.

La distance de la source à l'obstacle devra être relativement grande (plusieurs mètres) si vous voulez préserver un certain parallélisme des ombres de la fenêtre.

La distance entre l'obstacle et le décor est moins importante, mais influencera l'échelle de la texture.

Enfin, si l'on observe l'effet vieux verre, on distingue deux composantes: les croisillons d'une part, et une diffraction faible mais aléatoire d'autre part.

Les croisillons peuvent être recréés avec n'importe quel matériau opaque (du gaffer ferait l'affaire).
La diffraction légère pourrait être obtenue avec une diffusion très légère, froissée puis tendue sur cadre, comme le New Hampshire Frost (254). Mais on pourrait recourir à une bâche plastique de protection des sols pendant les travaux de peinture, ou un rideau de douche translucide.
Il faudra ensuite déterminer si l'effet est meilleur avec les croisillons devant ou derrière la diffusion, ou collés dessus.

Les matières de diffusion/réflexion/diffraction abondent dans les Bricos, il faut de temps en temps arpenter les rayons plastiques/peinture/toiture/salles de bains pour trouver des idées qui serviront bien plus tard, dans ce genre de situation.

Il y a quelques années j'avais trouvé de la résine ondulée translucide qui sert à aménager des ouvertures dans les toits en tôle ondulée. Son effet de diffusion, de diffraction et de coloration de la lumière m'ont donné des idées pour éclairer diverses séquences depuis.

03 janvier 2012

Cours Lumière fin janvier

Mes dernières vacances dans le Sud de la France:
en terrasse, au soleil, préparation du cours lumière de janvier.
Pour bien commencer l'année je vais donner un cours lumière sur 2 jours, à savoir le week-end du 21 22 janvier à Lausanne.
Ce sera l'occasion de faire le tour des sources et accessoires disponibles, de comprendre la lumière qui nous entoure, et de construire des éclairages simples pour créer des ambiances crédibles, et libérer votre créativité.

La lumière de cinéma est encore souvent considérée comme un discipline intimidante. Ce cours a pour but de démystifier la chose, en vous donnant des pistes pour vous permettre d'explorer à votre tour ce domaine passionnant, à mi-chemin entre les dernières technologies et l'expressivité artistique.

Je donnerai ce cours avec Jean-Marie Belloteau, avec qui j'ai déjà travaillé sur divers plateaux.

Diplômé de l'ESRA, son mémoire traitait du rôle du chef opérateur: "Création de l'esthétique d'un film". Je vous en recommande vivement la lecture (lien depuis son blog).

Nous filmerons les tests avec un RED, et grâce à la collaboration de Marquise Technologies, nous aurons sur le plateau un outil d'étalonnage de pointe: une station RAIN, de celles qui équipent bon nombre de studios de post. L'Ecole Louis-Lumière a choisi tout récemment de s'équiper avec cette solution. Nous pourrons ainsi tester en temps réel diverses options techniques et artistiques.

Organisé par Imaginastudio, le cours comportera plusieurs workshops, et j'aimerais limiter le nombre de participants pour permettre à chacun d'approcher concrètement les outils et les situations. Il reste quelques places à 350.- CHF (290 €). Inscrivez-vous par e-mail à info@imaginastudio.com

Dernière heure: quelques heures après la publication de ce post, le cours est complet. Les inscriptions suivantes seront reportées sur le prochain cours.

Je donne ce genre de cours lorsque mon planning le permet. Si vous êtes intéressé à en suivre un, signalez-le à l'e-mail ci-dessus, en précisant le niveau du cours que vous désirez suivre: débutant, medium ou avancé.

Je vous souhaite une année resplendissante!