23 mai 2009

Bilan des premiers longs-métrages 35mm tournés en RED


"Map of The Sounds of Tokyo" d'Isabel Coixet


Je profite de la projection en sélection officielle à Cannes de "Map of the Sounds of Tokyo" pour revenir sur un événement qui m'avait marqué.

Depuis un certain temps je cherchais à me rendre compte par moi-même du rendu exact de rushes R3D (les RAW de la RED) une fois projetés en 35mm, ou par projection digitale 2 ou 4K sur un grand écran de cinéma. C'est le genre de test qui ne laisse rien passer.

Il y avait bien eu le "Che" de Soderbergh, ou "Knowing" de Proyas, mais les deux films avaient tellement été triturés en post-prod qu'il était difficile de faire la part des choses. "The Girlfriend Experience", le nouveau Soderbergh aussi tourné en RED One, sera beaucoup plus "brut de décoffrage".
Au dernier Micro Salon, l'une des projections les plus éclairantes sur le sujet tournait autour de l'expérience de deux chefs op de longs-métrages tournés avec la RED One.

Vincent Mathias venait avec quelques minutes de rushes d'"Une affaire d'état", un thriller d'Eric Valette (sortie novembre 2009);

Jean-Claude Larrieu a raconté la genèse et le workflow de son premier tournage en RED sur le film de Isabel Coixet;

Deux générations de chefs op. Vincent, jeune et réceptif aux nouvelles technologies, a adopté la RED sans autre forme de procès, après avoir fait des tests poussés évidemment. Tests concluants, et les images en scope que nous avons vu sur le grand écran de la FEMIS ont balayé chez moi tous les doutes et les rumeurs que j'avais entendu. Les blancs éclatants avaient beaucoup d'allure, et les nuances très fines (en luminance et en chroma) conféraient aux images une vraie noblesse.

Il n'existe à ma connaissance pas encore d'interview ou de témoignage écrit de Vincent sur ce film.

Jean-Claude a une longue carrière sur pellicule, et le film de Coixet a été l'occasion pour lui de découvrir la RED. A reculons au début, pensant que le buzz autour de cette caméra en faisaient le dernier gadget à la mode mais pas forcément une alternative au film.

De nombreux tests et un tournage plus tard (prost-prod numérique et labo film chez Eclair), il parlait des images avec beaucoup d'émotion, y décelant des subtilités qu'il n'attendait pas.

Le passage final sur pellicule est pour lui une étape importante, le grain argentique donnant aux images une patine familière.

Jean-Claude a répondu à quelques questions de l'AFC. Extraits choisis:
(texte complet sur le site de l'AFC)


Dès la première scène du film, on se rend compte de l'importance des lumières de la ville dans la composition des images...

Pour reconstituer ce décor de restaurant, qui est la première scène du film, nous avons trouvé un lieu idéal, un penthouse qui permettait d'offrir en arrière plan une découverte de 180° sur la ville de Tokyo la nuit. Cette scène de grand dîner se déploie dans un étrange moment de calme, juste avant qu'une tragédie, accentuée par un quiproquo général, la transforme en débandade.
J'ai axé toute la lumière à partir d'une solide construction au plafond qui serait invisible dans les plans d'ensemble mais aussi par réflexion sur les grandes baies vitrées et qui ne gênerait jamais au moment des changements d'axes. Ainsi disposée, cette lumière fluorescente pouvait recevoir la tonalité de couleur chaude que j'en espérais et permettait d'en moduler l'intensité générale afin de préserver l'équilibre entre l'extérieur et l'intérieur. Cette première séquence a pu ainsi être tournée sans la gêne d'aucun projecteur, avec un diaphragme de 1.8.


Aviez-vous un moniteur de référence ?

Sur le plateau, mon seul point de référence a été l’ordinateur sur lequel nous déchargions les cartes mémoire. Une fois la prise importée, dès l’apparition de l’image RAW, je pouvais après quelques minuscules réglages sur la courbe, grâce au logiciel Red, visualiser l’image très correctement. C’est ce qui m’a permis de ne jamais douter de la qualité de ce que nous enregistrions. Au moment de la prise de vues, j’utilisais, bien entendu, la fonction histogramme du moniteur LCD pour régler le diaph.


Parmi les reproches faits à la caméra Red, il y a la sensibilité indésirable aux infrarouges et la colorimétrie équilibrée à 3 200 K…

Nous avons tourné avec le filtre qui coupe l’infrarouge. J’avais été mis en garde contre ce risque lors des essais. Map of The Souds of Tokyo est un film très souvent éclairé en lumière tungstène, avec des Kino Flo Image 80, des Wall O Ligth, ainsi que des Fresnel de 5, 10 et 20 kW. Je n’ai rencontré aucune difficulté à étalonner ces images photographiées tantôt en tungstène, tantôt en Dayligth, même si, semble-t-il, le capteur de la Red est plutôt équilibré pour la lumière du jour. La seule précaution à laquelle j’ai veillé en permanence, c’est le contrôle des hautes lumières. J’ai utilisé des densités neutres, jusqu’à N12, pour les découvertes ou les arrière-plans, entre autres, les panneaux lumineux en arrière plan proche, dans les rues.


Bande-annonce du film sur le site officiel: http://www.mapofthesoundsoftokyo.com/#content_trailer

1 commentaire:

  1. Merci pour ce bilan (toujours très intéressant). Personnellement, la projo de Knowing m'avait déja convaincue pour le retour des images RED sur 35mm (bien que les hautes lumières soient assez vite cramée, le reste était tout de même plutôt bluffant).

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