29 mai 2009

Couleurs en gélatine



Le monde des couleurs peut sembler effrayant de complexité (les termes "ondes vibratoires", "espaces colorimétriques" ou "corrections secondaires" ne sont pas faits pour rassurer), mais les résultats sur l'écran nous touchent directement et mystérieusement, sans qu'on ait besoin d'y réfléchir.

Dans les arts du spectacle, on équipe les projecteurs de films colorés qu'on appelle gélatines, bien que le terme soit inexact aujourd'hui.
Le site de Lee Filters montre comment on les fabrique:

http://www.leefilters.com/lighting/video/


et nous permet de retrouver une couleur précise en fonction d'une roue colorée en 3D:

http://www.leefiltersusa.com/lighting/products/colors/

ou de trouver des teintes proches en fonction d'un nom ou d'un numéro de catalogue (essayez par exemple avec CTS, une gélatine de correction de couleur ambre):

http://www.leefiltersusa.com/lighting/products/comparator/

Kuler, le site d'Adobe est l'occasion de mixer des couleurs de diverses manières pour évaluer nos conceptions de l'harmonie. Créez votre palette préférée, que ce soit pour trouver une jolie combinaison de teintes pour repeindre votre salon ou pour choisir la palette de votre prochain film. La rubrique Create > from a color vous permet d'explorer les règles existantes, et de créer la votre.

Petit quiz lumière

La vie quotidienne offre souvent l'occasion de faire fonctionner les réflexes de quiconque s'intéresse à la lumière.
L'autre soir je mangeais des pâtes dans un resto, en face de ces 3 photos.
Mes questions:
a. quel est le point commun de ces trois portraits, du point de vue de la lumière?
b. qu'en déduisez-vous?



A vos claviers!

23 mai 2009

Bilan des premiers longs-métrages 35mm tournés en RED


"Map of The Sounds of Tokyo" d'Isabel Coixet


Je profite de la projection en sélection officielle à Cannes de "Map of the Sounds of Tokyo" pour revenir sur un événement qui m'avait marqué.

Depuis un certain temps je cherchais à me rendre compte par moi-même du rendu exact de rushes R3D (les RAW de la RED) une fois projetés en 35mm, ou par projection digitale 2 ou 4K sur un grand écran de cinéma. C'est le genre de test qui ne laisse rien passer.

Il y avait bien eu le "Che" de Soderbergh, ou "Knowing" de Proyas, mais les deux films avaient tellement été triturés en post-prod qu'il était difficile de faire la part des choses. "The Girlfriend Experience", le nouveau Soderbergh aussi tourné en RED One, sera beaucoup plus "brut de décoffrage".
Au dernier Micro Salon, l'une des projections les plus éclairantes sur le sujet tournait autour de l'expérience de deux chefs op de longs-métrages tournés avec la RED One.

Vincent Mathias venait avec quelques minutes de rushes d'"Une affaire d'état", un thriller d'Eric Valette (sortie novembre 2009);

Jean-Claude Larrieu a raconté la genèse et le workflow de son premier tournage en RED sur le film de Isabel Coixet;

Deux générations de chefs op. Vincent, jeune et réceptif aux nouvelles technologies, a adopté la RED sans autre forme de procès, après avoir fait des tests poussés évidemment. Tests concluants, et les images en scope que nous avons vu sur le grand écran de la FEMIS ont balayé chez moi tous les doutes et les rumeurs que j'avais entendu. Les blancs éclatants avaient beaucoup d'allure, et les nuances très fines (en luminance et en chroma) conféraient aux images une vraie noblesse.

Il n'existe à ma connaissance pas encore d'interview ou de témoignage écrit de Vincent sur ce film.

Jean-Claude a une longue carrière sur pellicule, et le film de Coixet a été l'occasion pour lui de découvrir la RED. A reculons au début, pensant que le buzz autour de cette caméra en faisaient le dernier gadget à la mode mais pas forcément une alternative au film.

De nombreux tests et un tournage plus tard (prost-prod numérique et labo film chez Eclair), il parlait des images avec beaucoup d'émotion, y décelant des subtilités qu'il n'attendait pas.

Le passage final sur pellicule est pour lui une étape importante, le grain argentique donnant aux images une patine familière.

Jean-Claude a répondu à quelques questions de l'AFC. Extraits choisis:
(texte complet sur le site de l'AFC)


Dès la première scène du film, on se rend compte de l'importance des lumières de la ville dans la composition des images...

Pour reconstituer ce décor de restaurant, qui est la première scène du film, nous avons trouvé un lieu idéal, un penthouse qui permettait d'offrir en arrière plan une découverte de 180° sur la ville de Tokyo la nuit. Cette scène de grand dîner se déploie dans un étrange moment de calme, juste avant qu'une tragédie, accentuée par un quiproquo général, la transforme en débandade.
J'ai axé toute la lumière à partir d'une solide construction au plafond qui serait invisible dans les plans d'ensemble mais aussi par réflexion sur les grandes baies vitrées et qui ne gênerait jamais au moment des changements d'axes. Ainsi disposée, cette lumière fluorescente pouvait recevoir la tonalité de couleur chaude que j'en espérais et permettait d'en moduler l'intensité générale afin de préserver l'équilibre entre l'extérieur et l'intérieur. Cette première séquence a pu ainsi être tournée sans la gêne d'aucun projecteur, avec un diaphragme de 1.8.


Aviez-vous un moniteur de référence ?

Sur le plateau, mon seul point de référence a été l’ordinateur sur lequel nous déchargions les cartes mémoire. Une fois la prise importée, dès l’apparition de l’image RAW, je pouvais après quelques minuscules réglages sur la courbe, grâce au logiciel Red, visualiser l’image très correctement. C’est ce qui m’a permis de ne jamais douter de la qualité de ce que nous enregistrions. Au moment de la prise de vues, j’utilisais, bien entendu, la fonction histogramme du moniteur LCD pour régler le diaph.


Parmi les reproches faits à la caméra Red, il y a la sensibilité indésirable aux infrarouges et la colorimétrie équilibrée à 3 200 K…

Nous avons tourné avec le filtre qui coupe l’infrarouge. J’avais été mis en garde contre ce risque lors des essais. Map of The Souds of Tokyo est un film très souvent éclairé en lumière tungstène, avec des Kino Flo Image 80, des Wall O Ligth, ainsi que des Fresnel de 5, 10 et 20 kW. Je n’ai rencontré aucune difficulté à étalonner ces images photographiées tantôt en tungstène, tantôt en Dayligth, même si, semble-t-il, le capteur de la Red est plutôt équilibré pour la lumière du jour. La seule précaution à laquelle j’ai veillé en permanence, c’est le contrôle des hautes lumières. J’ai utilisé des densités neutres, jusqu’à N12, pour les découvertes ou les arrière-plans, entre autres, les panneaux lumineux en arrière plan proche, dans les rues.


Bande-annonce du film sur le site officiel: http://www.mapofthesoundsoftokyo.com/#content_trailer

18 mai 2009

Mélange des genres



Cliquez sur les photos pour les agrandir.

Le super-talentueux Dion Beebe vient de signer coup sur coup deux films très différents: la comédie décapante "Land of the Lost" dont je vous conseille vivement la bande-annonce, et une sorte d'extravagance mélodramatique, "Nine". Dans laquelle Daniel Day-Lewis joue Fellini en pleine crise d'inspiration, façon "Huit et demi". C'est un prétexte à reconstituer les images d'une certaine époque du cinéma italien.
Ca contraste fortement avec "Land of the Lost":


Dion Beebe est l'un des chefs op les plus éclectiques qui soit. Si vous ne l'avez pas déjà vu, ruez-vous sur le vénéneux "In the Cut" de Jane Campion, ou sur le glamourissime "Memoirs of a Geisha", qui lui valut l'Oscar en 2005.

14 mai 2009

Tetro de Coppola



Le prochain Coppola est un film Noir et Blanc très intimiste qui rappelle - par son thème et certaines images - son fabuleux Rumble Fish. Mais ce NB comporte beaucoup plus de gris moyens et de grain que Rumble Fish.

La bande-annonce et les trois premières minutes du film se trouvent ici.
Tourné à Buenos Aires. Chef op: le très jeune Mihai Malaimare Jr., qui avait déjà filmé le précédent opus de Coppola, Youth Without Youth.

09 mai 2009

JJ Abrams: vive l'analogique!

Dans une interview à fxguide.tv, le réalisateur du nouveau Star Trek parle de son amour pour l'analogique: sa préférence pour les effets non digitaux, l'importance vitale de donner aux comédiens un vrai décor plutôt que de les faire tourner devant des fonds verts, etc.

Dans l'interview que je vous propose ici, il évoque deux aspects visuels de son film:

1. les séquences de chute libre, après de nombreux essais technologiques infructueux, ont été filmées en plaçant simplement les acteurs debout sur des miroirs qui reflétaient le ciel;

2. les "flares", fabriqués pendant le tournage de façon artisanale, le chef op braquant une lampe de poche vers l'objectif, limite bord cadre.

Interview complète à télécharger en cliquant sur le lien suivant (Abrams parle dans la seconde partie):

08 mai 2009

Etallonnage par Crimson et RED Cine


Pour casser la sévérité de l'ultra haute définition, j'avais équipé la caméra de filtres de diffusion (Soft FX ou Black ProMist en fonction des lumières et des visages). Cliquez sur les images pour les voir en grand format.


Tests de densité des noirs sur un cracheur de feu (juste avant que les flammes n'éclairent son visage)



Je viens d'étalonner le clip de Shoddygoods, produit par Horsform. Les réalisateurs Matyas Kiss et Thanassis Fouradoulas avaient fixé une palette et un look spécifique avant le tournage, ce qui a beaucoup facilité cette ultime étape.
Nous avions tourné en RED, avec des objectifs Zeiss. Des lentilles trop précises pour réaliser les flares relativement intenses que les réalisateurs désiraient. Pour en créer malgré tout, nous avions placé quelques sources dans le champ et enfumé le studio pour aveugler la caméra par des contre-jours violents.
Projecteurs utilisés: HMI et KinoFlos, avec 4 Blondes sur Chimeras moyennes pour les contres et les fill sur variateurs.
L'étalonnage a consisté à trouver une bonne balance entre les couleurs chaudes et froides - nous avions déterminé au tournage que les oranges compléteraient des bleus et des verts spécifiques - et diverses densités de fumée.
Le workflow avec Clipfinder s'étant heurté à un bug, nous sommes passés par Crimson pour gérer le flux des rushes et l'interfaçage avec RED Cine.

05 mai 2009

Tetsuo Nagata fait son numéro (le 5)

Le dernier film Chanel est réalisé par Jean-Pierre Jeunet, avec Audrey Tautou. Beaucoup trop maniéré et très cliché à mon goût, mais on s'en fiche: c'est Tetsuo Nagata qui en signe les images.



Des lumières cuivrées, douces, vibrantes. Les photos n'en donnent qu'un aperçu: il faut voir bouger les images pour en saisir la finesse. Nagata avait éclairé "La Chambre des Officiers", et il affectionne certains tons chauds très spécifiques.







Le Making Of divulgue quelques uns de ses secrets: beaucoup de studio, des diffusions de partout, et des dispositifs ingénieux pour recréer les lumières qui défilent sur les visages, dans le train.
Allez voir par vous-mêmes.

Merci à @MorganP (sur twitter) pour l'info.

NAB, RED et SI2K - du carburant pour les nerds


La caméra "light"de Slumdog Millionnaire.

Excusez mon absence temporaire, me voici de retour.
Je vous conseille de consacrer du temps à l'écoute d'un podcast particulièrement riche de RED Centre. Il est bien sûr question de technique, mais c'est surtout l'occasion d'écouter une passionnante interview avec Anthony Dod Mantle, Chef op de Slumdog Millionnaire (oui, encore ce film, mais je crois que vous allez apprécier).
C'est dans le dernier tiers de ce long podcast, que vous pouvez télécharger depuis ce lien.