20 juin 2008

Pourquoi tant de laideur?

Je viens de voir la bande-annonce du dernier Breillat. La photo est vraiment crade: plate, terne, pisseuse, sans caractère. Une lumière de très mauvais téléfilm:


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La fenêtre droite cadre n'a qu'une influence minime sur le niveau d'éclairage global. La dominante jaune-verdâtre semble due au hasard. Le grain est vilain. Le cadre est bâclé.
Qu'on ne me dise pas que c'est une question de budget.

Je suis tombé par la suite sur une autre bande-annonce, celle du dernier Fincher, The Curious Case of Benjamin Button. OK, le budget est différent. Du coup j'ai isolé une image "simple": une comédienne, un mur, une lampe:


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Le soin apporté aux textures de l'image, aux valeurs tonales (la palette de couleurs), au cadrage (la tête se découpe sur le fond plus clair des rideaux, les différents éléments forment une composition équilibrée), tout concourt à l'expressivité de l'image. Là non plus la lumière n'est pas réaliste - la lampe gauche cadre n'éclairerait pas le visage de façon aussi frontale - mais elle est au moins vraisemblable.

Cliquez sur les deux images pour juger par vous-mêmes.

Juste pour le plaisir des yeux, une autre image intéressante, simple elle aussi:


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Elle est tirée d'Eagle Eye, un film d'action paranoïaque. Cliquez sur la photo et vous verrez les détails: le piqué, les nuances, les reflets du "fill" dans le bas des yeux, qui signalent la présence d'une surface réfléchissante juste en-dessous du cadre. Et le fond, dont la couleur et les dégradés souligent les contours du visage, particulièrement dans l'obscurité à l'arrière de la tête du personnage.
Le chef-op Dariusz Wolski aime bien les atmosphères froide et lugubres. C'est un partisan du "réalisme augmenté": les directions de la lumière sont justifiées, mais il prend certaines libertés avec les contrastes et les dominantes.

Allez, deux autres images "simples", pour terminer:


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"Deja Vu", un thriller de Tony Scott. C'est l'iconoclaste Paul Cameron qui en a signé la photo. Lui ne s'embarrasse pas de vraisemblance: il balance la sauce, force les contrastes, privilégie les longues focales et tant que l'esprit des images (colorimétrie, densités relatives, grain) est à peu près OK, il valide. Il ne s'embarrasse par exemple d'aucun souci de raccord de direction de lumière, mais ses cadres serrés ou en très longues focales font oublier le contexte.


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14 juin 2008

Etalonnage de HEAVEN

Fin de l'étalonnage de Heaven, le film sur les "tournantes", ces viols en réunion entre jeunes. La principale séquence du film se passe dans un sous-sol, dans l'antichambre de la tournante en cours. Le "color grading", comme on dit, a été fait sur une station Matrix chez Freestudios.

Très peu de lumières additionnelles au tournage (principalement des tubes de kinos fixés entre des canalisations, et quelques petits HMIs). Je voulais focaliser mon attention sur le cadre.

Le réalisateur Mohcine Besri et moi avions décidé à la prise de vues que cette séquence aurait une dominante verte. Voici quelques images tirées de cette partie du film - cliquez dessus pour les voir en grand.






© Million Dollar Productions & Ivona Films - 2008
droits de reproduction réservés

11 juin 2008

Oscillos, parades et vecteurscopes





Samuel pose une question intéressante:
"Est-ce que tu utilises beaucoup les vecteurscopes et oscilloscopes quand tu tournes en vidéo et principalement en HD? Un ami m'a dit que c'était essentiel. Je pense bien que pour contrôler ton signal video il faille ce genre d'outil mais je ne vois pas en quoi il est essentiel de l'utiliser en permanence sur un tournage. Au bout d'un moment quand tu sais comment la caméra réagit, tu ne devrais plus en avoir besoin il me semble.
Et sinon comment les utiliser??"

Avant toute chose, l'oscilloscope et RGB Parade mesurent les quantités de lumière (globale ou dans les couleurs respectives), alors que le vecteurscope mesure les dominantes de couleurs dans l'image, symbolisées par des pics dirigés vers les couleurs les plus représentées.



L'oscillo et la Parade sont comme des remplacements de la cellule (le posemètre), mais en beaucoup plus précis: tu vois où sont posés tes noirs, dans quelle mesure tes blancs seront lisibles en post, et comment se répartissent les grandes "masses de luminosité" dans ton image. C'est aussi une façon de commencer la post-production pendant le tournage, en assurant un lien plus souple entre ces deux étapes de la fabrication d'une image.

Je ne les utilise qu'en cas de doute, et jamais avant d'être artistiquement satisfait de l'éclairage. Parfois je m'en sers comme d'un aide mémoire, pour assurer un raccord avec un plan qu'on tournera plus tard:la lecture d'une courbe de niveaux te donne en quelque sorte "l'esprit" de l'éclairage d'une scène.

Avec les moniteurs HD, je trouve qu'on peut se passer de ces mesures dans 80% des cas. Surtout avec la marge de correction en post.
Disons que je m'en sers beaucoup lorsque je dois égaliser des lumières sur de grandes surfaces, comme par exemple les grands écrans verts ou les cyclos. La Parade me permet de voir les moindres écarts, et de placer le vert au niveau d'intensité désiré pour faciliter l'extraction.

Mais des caméras comme la RED One prouvent que l'exposition correcte est un facteur crucial dans la qualité de l'image finale. Un peu sous-ex et tu as du grain, un poil surex et tu perds des détails dans les ultrablancs. Venant de la pellicule, je me retrouve complètement dans cette discipline de l'exposition exacte, mais je comprends pourquoi les gens qui viennent de la HD CAM ou de la HDV ronchonnent. Leur pression porte ses fruits: le "build 16" de la RED One rendra la caméra plus tolérante avec les erreurs d'expo. Mais ça n'est pas une raison pour devenir paresseux: bien comprendre l'exposition correcte, c'est comprendre l'une des caractéristiques essentielles de la lumière.

10 juin 2008

Redcine, Red Alert

Images fictives tournées en marge du spot, pour tester des ratios de contrastes et la fidélité de reproduction de certaines couleurs.

Je continue mon exploration de la RED et du workflow de post-prod. Les 2 programmes RED Alert et REDCine sont plutôt intuitifs et efficaces. Deux petits regrets: impossible d'exporter des Targa depuis RED Alert (les DPX conviennent bien), et impossible d'étalonner correctement dans REDCine (pas de courbes de luminance).  
Ces softs sont indispensables, et j'ai été épaté par le RED Log, une LUT qui permet un étalonnage très rapide de la luminance, en jouant seulement sur le contraste.
Ce spot complexe aura été post-produit en une semaine, et les résultats comblent toutes mes attentes. La RED One est désormais l'une de mes caméras favorites, à tous points de vue.

09 juin 2008

Noir et Blanc mystique



© Alain Volut

Je viens de tomber par hasard (?), sur France24, sur un sujet consacré au photographe Alain Volut. Jamais entendu parler de lui jusqu'à ce soir, et pourtant, dès la première photo entraperçue, l'impression d'une très vieille connivence. Il est vrai que les photos que j'ai vues concernaient les Dogon, ce peuple animiste qui vit au milieu du désert du Mali, à l'ombre d'une longue falaise. J'avais moi-même longé ces falaises, et fait le périple à pied, de village en village, pendant plusieurs semaines. Je reste, 10 ans plus tard, totalement fasciné par les Dogon.

Je cherche depuis à retrouver dans des images l'envoûtement qui m'avait saisi devant tant de noblesse, d'humanité et de prestance. Ce peuple pourtant si distant de moi à tous points de vue (la cosmogonie dogon est un rébus aussi élégant qu'impénétrable) représente à mes yeux le meilleur de ce que l'Homme peut devenir ici-bas. En paix avec lui-même, le temps, la mort et toutes cette sorte de choses. Difficile de transcrire ça sur de la pellicule.

Depuis que j'ai vu ce reportage, et entendu le photographe évoquer respectueusement ce que les Dogon lui ont inspiré, j'ai l'impression que ma quête aboutit enfin à une étape décisive. Comme si Alain Volut et ses photos allaient désormais faire partie de ma vie. Comme si j'avais trouvé une âme soeur, ou renoué avec un grand frère perdu de vue dans une autre vie... Mais je m'emballe. Excusez ces élucubrations, mais après tout un blog c'est aussi fait pour partager ce genre d'émotions ;-)
Avez-vous des infos sur l'expo actuelle d'Alain Volut, ou sur se(s) livre(s)? Je n'ai rien trouvé sur le web à part l'expo de la Conciergerie à Paris.

06 juin 2008

Clairs-obscurs


Tournage d'une séquence test d'un long-métrage de fiction de Vincent Graenischer, "Les Enfants Perdus". Vincent veut appuyer son dossier avec quelques séquences extraites du scénario en développement. La scène que nous avons tournée était dramatique, et Vincent avait trouvé un entrepôt désaffecté que nous avons transformé en studio.
Mon objectif était de préserver le mystère du lieu, tout en accentuant certains aspects: le sol très sale, la solitude de la victime, la menace du bourreau qui arrive pour l'étouffer. Je ne voulais pas des images glauques, mais suffisamment réalistes quand même pour ne pas créer une distance "esthétisante" entre le spectateur et le film.
Pour aborder cet éclairage, je suis parti d'une hypothèse: la lumière pourrait s'infiltrer dans cette salle entre les murs et le plancher. Ce qui me permettait un éclairage rasant qui résolvait mes problèmes, la victime gisant sur le sol.
L'autre idée m'est venue à la lecture du scénario: comme le bourreau entrait par une haute porte, j'ai disposé un HMI puissant (CinePar) à l'extérieur, aligné pour que le rayon lumineux aveugle la victime quand la porte s'ouvre, et rende le meurtre à la fois lisible et violent.
D'autres photos suivront.

Dans ces cas de clair-obscur, il importe de bien doser les contrastes pour distinguer des détails dans les noirs, et assurer les raccords, en jouant avec un "fill" diffusé, dans l'axe de la caméra, mobile et/ou variable pour l'adapter à chaque nouveau cadrage. Sur cette photo, il est encore trop puissant. Je vise plutôt quelque chose comme ça:



Le HMI, à 30 mètres, projette un rayon qui tranche l'obscurité.

05 juin 2008

Préparation d'un long à Marrakech

Un an après Abou Amal, nous retournons à Marrakech pour tourner "Châtiment", le premier long-métrage cinéma de Hicham Alhayat. L'un des défis sera de rendre cette belle ville inquiétante. Comme le film comporte certaines séquences gore, je travaille avec Paul Lançon, spécialiste en maquillages prosthétiques et effets spéciaux physiques, pour rendre crédibles - et terribles - les scènes de terreur.
Pour accentuer l'effet d'angoisse, je compte bien créer des zones de pénombre pour que l'horreur se passe dans la tête du spectateur plutôt que sur l'écran.

04 juin 2008

Maquillages lumineux

J'ai tourné récemment un film dans le showroom miteux d'une marque de voitures de luxe. Mission: rendre le showroom "classe". Avec Gabriel Sklenar à la déco, et une grosse équipe lumière, j'ai dessiné des zones lumineuses au-dessus des voitures pour en accentuer les contours et les couleurs, tout en occultant (avec des frises) les lumières résiduelles pour éviter de révéler les murs trop blancs, les tôles ondulées, la moquette gondolée, les finitions hasardeuses, etc. 
Un gros travail de déco et de lumière. Il ne restait plus qu'à cadrer pour éviter les derniers coins douteux. Les clients étaient ravis, et prenaient des photos pour s'en inspirer... pour les prochains showrooms.

Nespresso en RED




Tournage en RED du nouveau spot Nespresso. Avec un objectif spécial, l'Optex Excellence, qui permet d'approcher de très près sans déformer, en restituant les objets à échelle 1:1
La prod s'est très bien déroulée, sans aucun problème. Nous avions un responsable données + backup (Antoine Baumann, heureux possesseur d'une RED numérotée 336).
Nous sommes en pleine post-prod, et tout se passe bien. Les images sont très séduisantes.
A suivre.