28 février 2008

Etalonnage: à quoi bon?






Variations sur un plan. Le but n'est pas qu'il soit joli, mais qu'il exprime quelque chose. La dernière photo est l'originale. Ca n'est pas forcément la plus intéressante. © Imaginastudio 2008

J’étais aujourd’hui chez Mikros à Paris pour étalonner Vincent le Magnifique sur leur station Coloris. Un travail délicat puisque les costumes, les décors et les lumières avaient été étudiés il y a presque un an en vue d’un résultat final très précis. Par exemple, pour obtenir les couleurs exactes des costumes, nous avions:
photographié les couleurs désirées,
saturé ces photos de +30%,
cherché les tissus dans ces couleurs saturées pour qu’au final,
après désaturation de -30% des images de la caméra, nous retombions sur nos pattes avec des costumes aux bonnes couleurs.

Ainsi le bleu électrique de la robe des jumelles était étudié pour devenir un bleu-gris spécifique. Si nous avions utilisé des costumes aux couleurs désaturées sur le plateau, ils auraient perdu presque toutes leurs couleurs dans le film terminé. Pour retrouver des couleurs naturelles ou réalistes, les images des caméras digitales doivent en effet être désaturées en post-production. Sur les images brutes, les visages ont souvent des dominantes magenta, les flammes projettent des lueurs jaunâtres et les verts de la nature sont rarement… naturels. C’est pourquoi il vaut mieux filmer avec un objectif final en tête: obtenir telle couleur ici, tel dégardé là, quitte à ce que les lumières et les couleurs sur le plateau soient étranges. Seul compte le résultat final, et les voies pour y arriver sont parfois tortueuses.

Grâce à l’oeil et à l’expérience d’Alexandra, l’une des coloristes de Mikros, le “color grading” de VLM a été une partie de plaisir. Nous avons passé les 250 plans en revue en une journée, ce qui est assez énorme. Elle continuera demain en solo, pour animer les caches et uniformiser les dernières aspérités. L’avantage de travailler avec un coloriste pro est évident: non seulement les manipulations sont rapides et efficaces, mais surtout les moindres teintes suspectes sont détectées et travaillées. Il s’agit de contrôler absolument tous les paramètres visuels du film: couleurs, contrastes, luminosité. Pour assurer des raccords invisibles entre les plans, mais aussi et surtout pour créer des atmosphères, souligner des états d’âme, diriger le regard du spectateur, bref: contribuer à raconter l’histoire en images.

L’étalonnage est une étape trop souvent négligée. Elle est pourtant capitale. Pour ma part, j’évalue son apport à l’esthétique globale d’un film aux environs de 30%.
Si on laisse les couleurs au hasard de la prise de vues, si les couleurs ne servent à rien, si elles n’expriment rien d’autre qu’elles-mêmes, à quoi bon filmer en couleurs?

Effets nocturnes

L’épopée de Vincent le Magnifique touche bientôt à sa fin. Les 9 et 10 février nous sommes retournés en petite équipe sur les lieux du tournage pour photographier des textures, des façades, des arbres et des paysages afin de permettre à Marc Dubois de réaliser le plan d’ouverture du film. C’est un travelling sur plusieurs plans de profondeur, qui s’enfonce nuitamment dans la vallée et contourne les maisons du village pour s’arrêter devant la grange-cabaret où Vincent (le magicien) coupe ses assistantes en deux.

Marc nous avait briefé sur ce dont il avait besoin pour composer cette séquence, et il nous a accompagné sur le terrain pour récolter toutes les images RAW nécessaires.
Mon souci était de trouver les éléments dont il avait besoin (une grande colline, des arbres, des façades, des toits) tout en cherchant à photographier ces éléments en contre-jour, pour faciliter en post-production leur transition vers une “nuit américaine”. Les nuits sont en effet plus réalistes si le “key light”, la lumière principale, arrive sur les objets en contre-jour.
C’est pourquoi j’ai demandé à l’équipe de prévoir cette chasse photographique en fin d’après-midi et en début de matinée suivante, de façon à nous assurer un soleil plus rasant que plongeant.

Marc a ensuite composé et animé les photos en un magnifique paysage imaginaire, qui illustre à merveille la première phrase du scénario: “Extérieur nuit. La caméra s’engouffre dans une vallée”.
Un plan similaire, qui clôt le film, était confié en parallèle à la société parisienne d’effets spéciaux Mikros.