09 novembre 2007

Flammes

Dilemne: tourner dans des décors hautement inflammables des séquences sensées être éclairées à la torche. Solutions:
1. Utiliser des sources électriques dont on fait varier la puissance (par flickerboxes, variateurs de type triac, ou par d’autres truchements - en l’occurence pour nous via une console DMX);
2. Utiliser des sources électriques que l’on fait “flicker” par divers moyens mécaniques. Par exemple en les réfléchissant sur des tissus colorés en mouvement, ou en les faisant traverser des obstacles mobiles. C’est l’un des moyens les plus économiques. Perso j’aime bien mettre mes mains de chaque côté du Fresnel et faire onduler la lumière en bougeant les doigts aléatoirement. Exercice à pratiquer plusieurs jours sur les sources qui éclairent les décors avant de passer sur celle qui illumine le visage de l’actrice principale;
3. Recourir à de vraies flammes.

La dernière solution est évidemment la plus hardie, et à première vue la plus incontrôlable. La solution pour Vincent m’a été inspirée par un dispositif que j’avais découvert sur le tournage d’une saga Viking en Islande. Le chef op brouillait le faisceau de ses PAR64 (dimmés à 50%) avec des becs de gaz, qu’il appliquait directement devant le projecteur. Les ondes de chaleur faisaient vibrer la lumière.
Pour adapter cette technique j’ai demandé à l’un des décorateurs du film, Gabriel Sklenar, de me fabriquer des becs de gaz en U percés de 3 ou 4 trous en périphérie. La forme en U permet d’approcher le brûleur de la source sans projeter l’ombre de la tige métallique. Les 3 ou 4 (gros) trous se font face. L’intensité des flammes dépend de la pression du gaz Propane. Et comme elles se rejoignent au milieu, on a l’impression de voir une seule flamme de torche, qui peut être très puissante. J’en variais parfois l’intensité en cours de prise.

Du fait des risques encourus et du procédé un peu primitif, je prévoyais de les utiliser en contre-jour ou devant des projecteurs, mais dans un rôle secondaire. Or dès le premier jour il m’a paru évident que ces torches spéciales pourraient bel et bien servir de Keylights pour les personnages principaux. Pas la moindre alerte incendie en une semaine.
Effet secondaire: des comédiens ravis parce que tout près de la seule vraie source de chaleur du plateau. Le reste de l’équipe travaillait aux alentours des 4°C.



© Melina Costas


© Melina Costas

L'une des pauvres assistantes de Vincent. Toutes les séquences de tours de magie du cabaret ont été éclairées avec un mix de Sklenars et de projecteurs tungstène sur console DMX.

J’ai proposé à l’équipe de baptiser ces torches d’un nom technique un peu compliqué, qui leur vaudrait le respect automatique des générations futures de chefs électros à la recherche d’un effet feu à la fois réaliste et contrôlable. C’est chose faite: nous les avons appelé les Sklenars.

6 commentaires:

  1. Longue vie aux Sklenars !!!

    RépondreSupprimer
  2. Sklenar? Gabriel Sklenar? Le décorateur de VLM?

    RépondreSupprimer
  3. Mais oui!! C'est un gars génial, il mérite la postérité, au moins pour ça ;-)

    RépondreSupprimer
  4. Anonyme15.11.07

    Bonjour.
    Premier message laissé, mais surement pas le dernier!
    Belle invention que ces "sklenars". Devant quelle genre de sources les mettais-tu et à quelle distance l'effet fonctionne-t-il le mieux? Près de la source ou le plus proche possible des comédiens (en prenant en compte le facteur danger biensur!)?
    Merci beaucoup, Pascal, de partager tes connaissances, tes expériences et toutes ces petites astuces!

    RépondreSupprimer
  5. Bonsoir Yannick, et merci pour tes remarques. Selon mes tests, les Sklenars fonctionnent bien à 50cm d'un PAR64 dimmé entre 30 et 50%. Trop près de l'acteur tu ne vois que les ondes de chaleur. Trop près du projo tu obtiens des interférences trop floues.

    RépondreSupprimer
  6. Anonyme16.11.07

    Merci pour les précisions techniques!

    RépondreSupprimer